Raconte, grand-mère VI épisode : Quand ta grand-mère à toi était petite (2)
C’est le dernier épisode de la vie de la grand-mère de l’auteur entre les guerres de 1914, la guerre d’Indochine et la Seconde guerre mondiale.
Mon grand-père, qui s’appelait Auguste et qu’on appelait Pa, fit la guerre de 1914. Il était alors capitaine dans l’infanterie mais, comme il était officier, il se déplaçait à cheval. Sur les photos, en uniforme, képi et moustache, du haut de son cheval, il avait grande allure. Il fut blessé au pied au début de la guerre mais, sa blessure ne guérissant pas, il passa la plus grande partie de la guerre dans des hôpitaux militaires. Ma grand-mère devait demander une autorisation officielle pour pouvoir prendre le train et aller le voir. Il mourut en 1937, alors que ma mère était enceinte de moi et je ne l’ai jamais connu. C’était, me racontait ma mère qui l’aimait beaucoup et avait hérité de son bon sens, un homme simple et bon, fils de paysans aisés du Perche.
Ma grand-mère perdit un de ses beaux-frères à la guerre, Gaston, le mari de sa jeune sœur Germaine (celle à la bicyclette) qui devait accoucher incessamment. Sous-lieutenant, il fut mortellement blessé en février 1915, en Argonne, dans les Ardennes, « remarquable de « courage et de sang-froid, en entraînant sa section à l’assaut de la Tour Pointue », dit le texte officiel qui lui confère la Légion d’honneur à titre posthume. Il mourut quelques semaines plus tard, à 37 ans, en mars 1915, après avoir demandé qu’on attende que l’enfant soit né avant de prévenir sa femme de son décès. Sa fille, Jeanne, naquit quelques jours après la mort de son père.
Clémentine
Marie, ma grand-mère, était femme au foyer. Elle avait une bonne, une femme de la campagne qu’elle prit toute jeune à son service, qui ne se maria jamais, habitait chez elle et y resta jusqu’à sa mort.
Avec mon frère, lorsque nous sommes chez elle, nous sommes fascinés par la sonnette que ma grand-mère a à côté de son assiette lorsque nous sommes à table et qu’elle agite pour appeler Clémentine – c’était son nom – lorsqu’elle veut qu’elle desserve ou apporte le plat suivant. Je ne comprends pas pourquoi elle est obligée de rester seule dans la cuisine au lieu de manger avec nous mais c’était la coutume dans les familles bourgeoises.
Lorsque ma mère était petite, quand sa famille était à Châtellerault, ils allaient en vacances chez ses grands-parents, à La Tricherie, près d’où se trouve aujourd’hui le Futuroscope, à une douzaine de kilomètres, en voiture à cheval. La route qu’ils empruntaient longe maintenant l’autoroute qui va de Tours à Poitiers.
Miraculé
En 1945, alors que la guerre se terminait en Europe mais continuait en Asie contre le Japon, ma grand-mère reçut un jour la visite officielle de représentants de l’État lui annonçant que son fils, Maurice, mon oncle et parrain, qui vivait au Laos, était porté disparu et considéré comme mort. Elle refusa de les croire. « Non ! affirma-elle, mon fils n’est pas mort ! ». Lors de la déclaration de guerre, mon oncle, Maurice, le frère de ma mère, était au Laos, à l’époque colonie française, en tant qu’administrateur colonial. Il ne revint pas en France pendant toute la durée de la guerre.
L’Indochine française (le Vietnam, le Cambodge et le Laos) fut occupée par l’armée japonaise en 1940. Mais ce ne fut qu’en mars 1945 qu’ils en prirent vraiment le contrôle. Mon oncle, qu’ils jugèrent trop peu coopératif, fut mis en résidence surveillée. Il fut un jour convoqué par les occupants japonais, avec d’autres cadres administratifs français. Parti en voiture pour s’y rendre, il fut arrêté par un arbre tombé sur la route et dut faire demi-tour. Il fut alors contacté par des Laotiens qui lui apprirent que les participants à cette réunion avaient été massacrés, qu’il était en danger de mort et devait quitter le pays. Ils l’aidèrent à passer au Vietnam où il gagna la grande ville de Saigon, (aujourd’hui Hô Chi Minh-Ville). Les Laotiens, pour le protéger, répandirent alors officiellement la nouvelle de sa mort, y compris auprès de sa femme, ma tante, qui était laotienne. Ainsi s’explique la visite que reçut ma grand-mère et confirme son intuition.
Après la capitulation du Japon, le 8 septembre 1945, il rentra au Laos. Et c’est seulement en 1948 qu’il revint en France avec ses deux aînés, cousins que nous avons découverts et accueillis avec enthousiasme et qu’il laissa en France chez ma grand-mère avant de rejoindre au Laos le reste de sa famille. Il revint définitivement en France avec sa femme et ses autres enfants quelques années plus tard. Et nous apprîmes à manger avec des baguettes la délicieuse cuisine laotienne de notre tante.
En 1946, commença la période appelée des Trente Glorieuses. Là, s’achève notre voyage dans le temps, qui nous a promenés, sur deux siècles, à travers quelques aspects de la vie de trois générations et même un peu plus.
Par Marie-Françoise TOURET
Formatrice de Nouvelle Acropole Paris V
La galette de grand-père Gallois
Très modeste symbole du legs de nos ancêtres et hommage à nos racines,
la galette de grand-père Gallois – voir épisode VI (1)
250 grammes de farine
100 grammes de beurre demi-sel
90 grammes de sucre cristallisé
¼ de verre d’eau de fleur d’oranger
amandes effilées
Faire fondre le beurre, y verser l’eau de fleur d’oranger, ajouter le sucre. Puis la farine peu à peu en tournant avec une cuiller. Bien pétrir le tout. Étendre la pâte sur un centimètre d’épaisseur et mettre dessus les amandes effilées. Saupoudrer de sucre cristallisé. Cuire au four, à 180 ° (thermostat 6) pendant plus ou moins 30 mn.
La galette ne doit pas être très colorée.
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