Face à la désinformation, les conseils de George Orwell
L’Arcom (1) qui régule les dispositifs de lutte contre la manipulation de l’information, est inquiète face au constat de la progression de la désinformation dans les médias, dans la politique et maintenant au niveau de la culture. Son bilan, à propos de la « loi fake news », est d’ailleurs très mitigé.
Il y a six ans, dans l’éditorial de la revue intitulé La vérité est morte ! Vive la vérité ! (2), je signalais le choix du dictionnaire de l’Université d’Oxford qui proclamait le néologisme « post-vérité », mot de l’année. Ce concept qualifie des « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles. »
Donc, si ce n’est pas vrai, ce n’est pas grave, l’important est d’y croire ou que la croyance nous plaise. Qu’importe la vérité si le message est habilement diffusé par les réseaux sociaux.
Depuis, avec l’émergence de la culture woke en France et son influence sur les médias, l’université, l’administration et le monde politique, le phénomène s’est accéléré. Les mensonges et les rumeurs se diffusent à une vitesse alarmante.
L’universitaire Hubert Heckman décortique le phénomène de la cancel culture (3) et le danger qu’elle représente en France (4). Il explique que la cancel culture peut rappeler certaines dérives propres aux sociétés totalitaires et même si les victimes de la cancel culture ne sont pas encore physiquement éliminées, comme ce fut le cas durant la terreur nazie ou stalinienne, elles peuvent être socialement marginalisées.
L’intimidation idéologique fonctionne, comme ce fut le cas dans les années 60-70 en France avec les marxistes qui prétendaient que celui qui n’était pas d’accord avec eux était forcément fasciste ou nazi. Cette pression oblige un grand nombre de citoyens à s’autocensurer. Vaclav Havel (5) explique ce type de comportement post-totalitaire comme étant de « l’autototalitarisme de la société ». « C’est le phénomène par lequel je me soumets par lâcheté aux mots d’ordre idéologiques, pour me faire bien voir de mes semblables que j’incite à obtempérer en même temps que je cède moi-même. Les réseaux sociaux recréent aujourd’hui un tel système de surveillance réciproque et d’intimidation dont les victimes consentantes de la cancel culture sont aussi les premiers chiens de garde. L’engrenage auto-totalitaire est actionné par la veulerie collective, mais il peut être enrayé par les grains de sable du courage individuel. »
Nous voilà dans l’univers de George Orwell (6), un des auteurs qui a le plus exhorté pendant sa vie à la résistance de l’individu face au totalitarisme, en particulier dans son ouvrage 1984. Ce lanceur d’alerte avant l’heure, nous a légué huit recommandations pour entrevoir la vérité qui se cache derrière les apparences.
- Privilégier les faits avant l’idéologie. Les procès d’intention ne se justifient pas sans des faits concrets. À propos de la propagande communiste de l’époque, il disait : « ce qui me rend malade à propos des gens de gauche (7), spécialement les intellectuels, c’est leur absolue ignorance de la façon dont les choses se passent dans la réalité. »
- Privilégier toujours l’humain. S’intéresser aux personnes qui nous semblent opposées ou différentes et comprendre leur comportement réel.
- Être curieux de tout. « Je pense que c’est en conservant notre amour enfantin pour les arbres, les poissons, les papillons, les crapauds, etc. que l’on rend un peu plus probable la possibilité d’un avenir paisible et décent. » En synthèse, gardons notre cœur d’enfant émerveillé pour ne pas nous enfermer dans des raisonnements partiaux.
- Défendre toujours les libertés. Ne jamais se laisser embrigader par les actes et les pensées.
- Parler clair. « N’utilisez jamais un mot long si un autre plus court peut faire l’affaire ».
- Lutter contre ses préjugés.
- Se méfier des religions même laïques. Se méfier de toute forme d’exploitation par les croyances. Apprendre à utiliser notre raison pour discerner.
- Cultiver le sens commun. Chacun de nous porte en lui une parcelle de bon sens qu’il ne doit jamais hésiter à utiliser. C’est le point de départ de la démarche philosophique qui consiste à aller au-delà de nos préjugés, des idées reçues et de ce qui nous convient.
Profitons de la fin de l’année pour méditer sur les huit recommandations de George Orwell afin de mieux nous préparer à déceler la vérité au-delà des apparences et des pressions extérieures.
Penser et vivre en clarté est un des plus beaux défis qui se présentent à nous pour la nouvelle année.