« Remorques » de Jean Grémillon
L’histoire de ce joyau poétique du cinéma français (1939-1941) est la rencontre de l’amour sage avec l’amour fou et, au milieu, la mer.
Catherine (Michèle Morgan) ouvre à André (Jean Gabin) un monde mystérieux qu’aucune catégorie de la vie sociale ne saurait appréhender. Yvonne (Madeleine Renaud, la femme du marinier André) a rêvé, elle, d’une grande chambre toute blanche et a caché à André sa maladie mortelle. La mer, le vent, la tempête, très présents, s’accordent avec les passions. Ce grand souffle d’amour traversant le cycle des saisons qui lie la vie des hommes.
Comme dans tous les films de Grémillon, nous sommes confrontés ici à une aventure spirituelle qui rejette les conventions sociales, les habitudes et le quotidien. Le film est le récit allégorique d’une initiation. André passe de l’ordre du travail quotidien de marin à la dimension de l’ésotérisme immanent – la nature magique. La prière finale de Remorques entièrement écrite par Grémillon, la prière aux agonisants, ouvre l’oeuvre à une dimension cosmique. C’est toute la force d’une incarnation qui nous est révélée. On admirera la dernière image de Jean Gabin qui a perdu sa femme et son amante, et qui avance dans les éléments qui ne le font pas vaciller et va vers une conquête du sublime.
Citons parmi les oeuvres de Jean Grémillon : Chartres, dont l’auteur avait su capter le mystère qui émane de ce haut lieu de la spiritualité, Gardien de phare, La Petite Lise, Gueule d’amour, Lumière d’été, Le Ciel est à vous, Pattes blanches, L’Amour d’une femme, qui propulse le spectateur dans la tragédie grecque.
Malgré toutes les difficultés qu’il a rencontrées pour faire ses films, boudé du public, donc des producteurs, Jean Gremillon avait une fabuleuse culture, de la musique à la peinture en passant par toutes les formes esthétiques d’expression humaine et ésotérique. Son art de vivre faisait de lui un prince de la Renaissance attardé parmi nous.