Volontariat humanitaire au Népal : une mission d’action et de cœur
Suite au tremblement de terre qui secoua la région de Katmandou en 2015, l’association R.A.P.I.D. France décida d’envoyer une mission humanitaire sur place, composée de onze volontaires bénévoles pour aider une école d’enfants pauvres dans la banlieue de Bhaktapur, à 12 km de Katmandou. Une mission d’action et de cœur.
Le 25 avril 2015, un séisme d’une magnitude de 7,9 frappa la région de Katmandou au Népal. Il fut suivi de plusieurs répliques de forte intensité (dépassant 7 sur l’échelle de Richter (1)), occasionnant plus de 8000 morts.
Une cellule d’urgence de RAPID fut prête à partir au secours de victimes dans des zones effondrées. Mais les options de vol pour se rendre sur place étant tardives, et en l’absence de contact locaux, la cellule préféra envoyer du matériel médical via les avions affrétés par le Ministère des Affaires étrangères.
Après cet épisode, frappé par le drame (un an après le séisme, 4 millions de personnes vivaient toujours dans des abris temporaires) j’ai commencé à rechercher des contacts en vue de réaliser une action humanitaire au Népal. L’été 2015 j’ai rencontré Geneviève Dhainne, bénévole de l’association «La maison des Himalayas» une ONG finançant l’association népalaise TOIT enregistrée en 2000 qui a pour vocation de combler l’écart grandissant au Népal entre riches et pauvres, alphabétisés et analphabètes. Le nom «TOIT» fut donné en hommage au couple Français à l’origine du projet, aujourd’hui géré par Indra Prasad Khaitu et sa femme Sanchita.
Un îlot de civilisation dans l’ombre du capitalisme
En allant reconnaître les lieux, j’ai été touché par la gentillesse et le calme de ce peuple népalais, qui semble accepter des conditions de vie difficile, alors que nous sommes parfois anxieux avec des moyens et un confort dix fois plus important !
Car oui aller au Népal c’est aussi regarder une vérité en face, celle de la pauvreté, le manque d’infrastructures, les ombres du capitalisme… Pas de protection de santé, des routes en mauvais état, des espaces publics rarement propres , beaucoup d’enfants qui travaillent, des animaux qui vivent sans contrôle (les chiens aboyant toutes les nuits en ville, et les vaches « sacrées » chassées à coup de pierre finissant par errer), un enfer de pollution qui fait tousser et bouche un horizon pourtant fait de montagnes d’une beauté si prisée par les trekkers.
Dans ce désordre généralisé, j’ai trouvé un îlot de civilisation et de bonne volonté à travers l’école Saras Pathshala, gérée par TOIT. Elle compte une centaine d’enfants de 4 à 15 ans. Les responsables du lieu récupèrent l’eau de pluie qu’ils filtrent, utilisent l’énergie solaire, fabriquent leur papier et apprennent aux enfants les bases du vivre ensemble, et des moyens nécessaires pour espérer un avenir meilleur.
Chantier et enseignement
La mission humanitaire de Rapid, composée de 11 personnes, partit du 16 au 30 décembre 2016 sur place. Elle visait à donner des cours de matières essentielles et avancer dans la construction de l’école, qui est en chantier permanent pour agrandir et améliorer l’existant. Après 2 réunions préparatoires, 2h de taxi, 17h d’escale dans des conditions difficiles, nous retrouvâmes Indra, le fondateur et président actuel. Celui-ci fut inspiré par Albert Schweitzer (2) dans sa jeunesse. Il a choisi d’écouter son cœur d’idéaliste et non le respect des traditions, en épousant une femme d’une caste inférieure, et en dédiant sa vie et tous ses moyens pour l’éducation des enfants. Il nous expliqua l’importance pour les enfants d’être au contact avec des volontaires, là ou leur vie familiale est souvent difficile, avec des problèmes d’alcool, de famille éclatée, de pauvreté. Nous étions symbole d’espoir, du lien avec un Occident riche. Plus que tout, notre présence auprès d’eux comptait. Penser les cours, les travaux, le prévisible et l’imprévisible, se projeter dans un monde de potentialités. Il y a toujours quelque chose d’utile à faire pour que le volontaire exerce sa volonté et amène de son âme quelque chose de nouveau et meilleur à naître, comme un enfant en gestation.
À l’arrivée dans la terre de naissance du Bouddha, il m’apparut clairement que loin des sentiers de montagne, le Népal de demain ne se ferait pas sans une philosophie de l’action altruiste, comme l’enseigne la Bhagavad Gîtâ (3) chère aux Hindouistes : « Tu as droit à l’action mais jamais à ses fruits ; n’accomplis pas l’action pour le fruit qu’elle procure »(II,47) « … sans attachement, fait constamment l’œuvre qui doit être faite ; en accomplissant l’œuvre sans attachement, en vérité l’homme atteint le bien suprême » (III,19).
Les actions de Rapid près de Katmandou
Namaste ! Le visage d’un enfant rayonnant de joie vous inonde, chaque jour. Les cours se déroulent entre dialogue et créativité artistiques, chacun cherche et trouve sa place. Il faut un traducteur en anglais, deux ou quatre personnes au chantier, les volontaires français s’adaptent.
« La méditation ne se pratique pas que assis ! » dit (Indra). Chaque jour est une invitation à être présent, à respirer, à être plus concentré. Le téléphone, les médias et tant de chose nous distraient de ce que nous faisons. Restons positifs, « se mettre en colère n’est pas bon pour la santé » ! Nous avons besoin d’énergie positive, d’encouragement, pour notre équipe comme pour les Népalais. « Si vous pensez que la politique est pour les gens mauvais, seuls les gens mauvais vont y aller ! » Si nous pensons notre vie positivement, elle sera ainsi.
Sur place, notre équipe vécut une grande épreuve : qui restera gravée dans nos cœurs : une de nos membres fit un malaise cardiaque sévère. Nos prières se mêlèrent aux énergies des médecins népalais qui firent un miracle de statistiques, et le cœur de Nadine fut sauvé. Nous relayant jour et nuit à ses côtés, nous sommes restés un seul cœur.
L’ombre et la lumière, la mort et la vie
Comment expliquer les millions de Dieux et la dévotion des millions de Népalais envers les Dieux ? Qui peut expliquer le sadhu (4) qui semble heureux ? Pourtant il n’a rien : une cabane et la cendre dont il se couvre. La mort est là, d’une rive à l’autre du fleuve. La mort que nous avons frôlé sans y plonger. C’était pour mieux savourer la vie sur Terre, si fragile et si belle, une vie qui demande des efforts. Le volontaire met sa volonté, son amour et son intelligence au service des autres et retrouve le chemin du sourire qui se dessine spontanément sur le visage des enfants. « Celui qui se donne à la cause de la fraternité trouvera une force et une inspiration sans fin. » Sri Ram.
Au Népal, nous avons trouvé l’ombre et la lumière. La misère humaine et la richesse des temples, la joie des enfants et la peur de perdre un être cher, nos frustrations de ne pas avancer autant que nous l’aurions voulu et nos victoires sur nous-mêmes contre nos impatiences ou nos attentes. Nous avons trouvé un parcours de conscience : Dhana, le don, qui nous met en mouvement, qui donne l’énergie et fait germer toutes les graines qui sommeillaient en nous, union ou séparativité, force et faiblesse, tout s’accélère et se développe. Quelles sont les bonnes et les mauvaises graines ?
Nous sommes devenus plus conscient de l’importance d’apprendre à vivre ensemble, de trouver sa liberté dans la contrainte, de se détacher de nos désirs de succès pour tirer profit du présent.
Nous avons honoré un vieux pacte, celui de faire un pont entre Orient et Occident, entre tradition et modernité, entre la pauvreté et la richesse, mais reliés par un même cœur d’idéalistes sans frontières.