Pour une pédagogie positive
Ce texte a été écrit en pensant aux adolescents et aux jeunes adultes. Quel positionnement intérieur, quelle attitude et comportement avoir à leur égard, lorsqu’on est en position de les former ?
Nous avons retenu six caractéristiques qui nous paraissent fondamentales dans ce positionnement pédagogique et que conclut une tentative de définir les conditions d’une véritable rencontre. Adaptées si besoin est, ces remarques sont également valables à tout âge.
Une pédagogie de la confiance
En instaurant entre l’adulte et le jeune un rapport de confiance, basée sur la conviction, chez l’adulte, que tout jeune (tout être humain) a en lui des potentialités et des richesses qu’il s’agit de l’aider à aller découvrir et exploiter. C’est cette conviction, inébranlable, qui, seule, fait de l’éducateur un magicien : celui qui est capable d’éveiller chez l’autre la confiance en ses propres possibilités et en lui-même, la confiance en l’adulte (ou le formateur) dont il sait que, quoi qu’il fasse, il ne le « descendra » pas, et le sentiment de sécurité qui va lui permettre d’accéder à ces possibilités et de les déployer.
Une pédagogie de la réussite
Il importe de partir de ce qu’ils ont réussi dans ce qu’on leur propose. Toute critique doit d’abord être positive. Qu’as-tu réussi ? Qu’a-t-il (elle) réussi ?
Ce qui permet ensuite d’aborder la deuxième étape, toujours de façon positive : que peux-tu encore améliorer ?
La pédagogie de la réussite remplace avantageusement la sanction par l’échec que nous avons tous ou presque subi pendant notre scolarité et souvent en famille et que, adultes, nous infligeons nous-même bien souvent à notre entourage comme à nous-même. Elle répond au principe suivant : tout ce qui n’est pas parfait est sanctionné par un reproche, une punition ou une mauvaise note. Qui ne se rappelle les chapelets de zéros ou même de notes négatives en dictée de lui-même ou de ses camarades ?
La pédagogie de la réussite au contraire est fondée sur le principe qu’on part de l’ignorance pour aller vers la connaissance et la compétence et que cela demande du temps. Elle donne les moyens d’y parvenir et sanctionne positivement toute acquisition. Elle n’est pas avare de reconnaissance ni de compliments du moment qu’ils sont justifiés.
Une pédagogie de l’accompagnement
C’est le rôle de l’éducateur/formateur, par rapport à son objectif, de diviser ce qu’il veut faire acquérir en autant de paliers, dosés en fonction des capacités de celui qu’il forme, de façon à lui permettre de réussir.
Les étapes qui exigent un saut qualitatif doivent également être préparées et mesurées de façon à ce que puisse être vaincue la peur et donner confiance pour l’aborder plus facilement une prochaine fois.
Une pédagogie du sens
Tout apprentissage doit expliciter très clairement l’objectif à atteindre (court ou moyen terme) et les finalités lointaines (par rapport à l’évolution de l’individu et de la collectivité). De même que doivent être claires les règles qui vont permettre de les réaliser (objectifs) ou de s’en rapprocher (finalités).
Une pédagogie de l’exemple
On ne peut demander à un jeune sur le plan de la vie morale de faire quelque chose qu’on ne fait pas soi-même ou du moins qu’on ne s’efforce pas de faire. La cohérence entre ce que l’on pense, ce que l’on dit et ce que l’on fait est une valeur indispensable à développer. Sans elle, la confiance ne s’instaure pas ou se perd et notre attitude trahit l’idéal que nous voulons transmettre. Comme est primordiale l’honnêteté : reconnaître avec simplicité et sobriété, si les circonstances le demandent, ses propres ignorances, ses incompétences, voire ses faiblesses est une manière plus sûre d’attirer l’estime que le camouflage qui ne trompe que celui qui le pratique.
C’est la condition pour gagner auprès de ceux qu’on forme l’autorité et le respect sans lesquels ils n’apporteront ni leur adhésion ni leur implication.
Une pédagogie initiatique
C’est-à-dire une pédagogie qui vise à mener le jeune jusqu’au point où il devra se dépasser. Moments à identifier avec discernement et auxquels il convient souvent de manifester l’exigence lui permettant de faire le saut qui lui fera franchir un palier (1).
Premier pas pour une rencontre réussie
J’ai connu quelqu’un à qui sans doute on avait expliqué qu’il fallait d’abord écouter. Il laissait parler l’autre à volonté sans ouvrir la bouche. Puis, dès que ce dernier avait terminé, il lui assénait ce qu’il avait décidé à l’avance de lui dire sans tenir aucun compte de ce que son interlocuteur avait exprimé.
N’étant pas à l’écoute, il avait fermé la porte à toute rencontre possible et s’était interdit toute confiance de la part de quelqu’un qui se sentait floué et manipulé.
L’étape préalable à toute rencontre consiste à créer en soi un espace, un vide qui permet d’aller à la rencontre de l’autre, de l’accueillir, de l’écouter et de l’entendre (se taire est presque toujours plus difficile que parler), d’être ouvert et de comprendre tout ce qu’il peut nous dire, en partant de là où il est, pour le rejoindre dans son questionnement profond. Sans être omnubilé par ce que nous voulons lui apporter, sans recherche de résultat apparent.
L’échange aura alors également créé en lui un espace où il pourra recevoir et entendre ce que nous lui dirons en retour en connaissance de cause. C’est ce double espace, en soi et en lui, qui permet la rencontre dans laquelle chacun donne et reçoit. Accepter de recevoir, c’est donner à l’autre la possibilité de donner (2).
(1) Voir l’article sur les deux versants de la pédagogie, accompagnement et initiation, Pour une pédagogie initiatique, revue Acropolis N°295, avril 2018
(2) Lecture conseillée : À la rencontre des jeunes, de Jean-Marie Petitclerc, Éditions Salvator, 2006, 96 pages
par Marie-Françoise TOURET
À lire
Le cerveau qui dit oui
Comment développer courage, curiosité et résilience chez votre enfant ?
Par le dr Daniel SIEGEL et Tina PAYNE BRYSON
Éditions Les Arènes, 2019, 290 pages, 19,90 €
S’ouvrir aux émotions, développer la curiosité, l’empathie et la résilience, selon les auteurs, c’est le « cerveau qui dit oui », un cerveau doté d’une plasticité cérébrale, qui le permet. Ce livre pratique (jeux et bandes dessinées entre autres) explique comment acquérir quatre compétences liées au « cerveau qui dit oui » pour que l’enfant affronte de la meilleure façon les défis de la vie et qu’il devienne un adulte plus épanoui et plus authentique : l’équilibre (capacité à gérer ses émotions), la résilience (capacité àrebondirquand on est confronté aux inévitables contrariétés et épreuves de la vie), l’introspection et l’empathie.