Anne Ancelin Schützenberger a rejoint ses aïeux
Le 23 mars 2018, une grande dame s’en est allée, sur la pointe des pieds, rejoindre ses aïeux. Anne Ancelin Schützenberger, toute sa vie s’est efforcée de connaître les histoires familiales et d’en dénouer les nœuds. Aujourd’hui, dans l’au-delà, elle peut raconter sa propre histoire à ses ancêtres et peut-être perpétuer son œuvre auprès de toutes les âmes qu’elle rencontrera.
Anne Ancelin Schützenberger (1919-2018) a marqué son temps avec un travail exceptionnel sur la psychologie humaine à travers différentes voies d’action : la psychologie de groupe, le psychodrame, et le transgénérationnel.
La psychologie humaine et ses applications
Après avoir commencé des études scientifiques, elle se dirige vers le droit puis vers la psychologie et les lettres. En 1950 avec une bourse, elle part aux États-Unis pour se spécialiser en psychologie sociale et dynamique des groupes. Elle suit des stages à l’Institut Moréno. De retour en France elle entreprend une psychanalyse classique avec l’anthropologue Robert Gessain, puis avec Françoise Dolto.
Elle se formera ensuite à différentes techniques : psychodrame (1) de Jacob Levy Moreno, communication non verbale avec Erving Gofmann et l’école de Pennsylvanie, thérapie brève d’urgence, psychanalyse, group-analyse à Londres et à Lisbonne, dynamique des groupes par les élèves de Kurt Lewin, T. Group… Elle travailla avec Carl Rogers, Margaret Mead, Grégory Bateson, et avec le groupe de Palo Alto (Paul Watzlawick).
En 1964, elle organise le Premier Congrès International de Psychodrame à Paris. En 1967 elle devient Professeur d’Université, group-analyste et thérapeute de groupe, et aussi consultant pour les Nations unies.
Dans les années 1970, elle commence à s’intéresser aux méthodes complémentaires de soins aux malades atteints de cancer et d’aide psychologique aux malades et à leurs familles.
Elle dirigera pendant vingt ans le laboratoire de psychologie sociale et clinique de l’Université Nice-Sophias-Antipolis.
Aie mes aieux !
Le développement du transgénérationnel dans le monde
En 2002, elle publie Aïe mes aïeux !(2) , best-seller qui la fait connaître dans un tournant de sa vie en tant que spécialiste du transgénérationnel. Elle développe cette méthode qu’elle enseignera en France, Australie, Argentine, Suède et Portugal.
Le transgénérationnel s’intéresse à l’histoire humaine et familiale. Il s’agit de remonter le fil d’Ariane des histoires de chacun, pour en comprendre les non-dits, les secrets de famille, toutes les souffrances et traumatismes qui se transmettent dans l’inconscient collectif familial et qui se répètent à toutes les générations.
La souffrance, Anne Ancelin Schützenberger la connaît. Sa famille(sa mère historienne et son père ingénieur), issue de l’intelligentsia russe a fui le pays en 1905. Anne a perdu sa sœur atteinte d’une maladie inconnue à l’âge de 13 ans. Son père a vécu la crise de 1929 où il a perdu une partie de sa fortune et il meurt pendant la Seconde guerre mondiale dans d’atroces souffrances dont elle ne peut parler. La maison familiale de Lozère est brulée par les Allemands nazis car Anne est devenue résistante.
Anne ne doit son salut qu’à sa formidable énergie de vivre et à son travail colossal qu’elle a accompli toute sa vie.
Le fil d’Ariane familial
Anne Ancelin Schützenberger a introduit la notion de psycho-généalogie qui permet de débusquer des traumatismes familiaux transmis et répétés de façon inconsciente de génération en génération au nom de secrets de famille, de la loyauté familiale invisible et des deuils non faits de pertes diverses personnelles et familiales.
Les secrets de famille ou non-dits sont nombreux : homosexualité, adultère, inceste, violence conjugale, viol, alcoolisme, maladie, abandon, échec professionnel… et des silences, des mensonges planent sur les vies des ancêtres au nom de la honte, de l’image sociale, de ce qui n’a jamais été dit.
Pour éclairer les traumatismes, Anne Ancelin Schützenberger utilise toutes les connaissances qu’elle a acquis au cours de ses différentes formations : psychologie, psychanalyse, anthropologie culturelle, thérapie familiale et communication non verbale (langage du corps) et utilisation de l’espace « corps espace, temps ».
Pour rechercher l’histoire familiale, elle fait établir des géno-sociogrammes (arbres généalogiques de la famille élargis aux évènements marquants positifs et négatifs). Elle suggère de les compléter en y ajoutant tout ce qui constitue l’atome social : personnes de l’entourage, maisons et objets signifiants, animaux favoris…
Grâce au géno-sociogramme il est possible de remonter jusqu’à six ou sept générations afin de débusquer le « premier » événement qui a déclenché la cascade d’évènements traumatiques répétés à toutes les générations suivantes, pour en comprendre le sens et « casser » le cycle du « programme » hérité par la famille. Un traumatisme n’est pas héréditaire et n’est pas non plus une fatalité.