Champollion et la Pierre de Rosette
Le 27 septembre 2022 sera consacré au 200e anniversaire de l’exposé de Jean-François Champollion de ses découvertes relatives aux hiéroglyphes égyptiens, devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. À peine âgé de 32 ans, le jeune savant, en perçant le mystère de la Pierre de Rosette, offre ainsi au monde la connaissance des noms des pharaons bâtisseurs des pyramides, le déchiffrement des livres des morts trouvés dans les tombeaux et la compréhension d’une langue et d’une littérature perdues.
Depuis le XVIIe siècle, de nombreux chercheurs avaient essayé d’interpréter les hiéroglyphes bien en vue gravés dans les temples et les tombes mais qui gardaient jalousement leur secret ; à tel point que chez les Égyptiens eux-mêmes, la superstition était répandue qu’ils contenaient des malédictions éternelles pour ceux qui tenteraient de les déchiffrer. Au fil des siècles, certains de ces signes, comme le serpent, avaient même été mutilés pour éviter leur prétendu effet maléfique.
Le grand protagoniste du décryptage sera Jean-François Champollion, né à Figeac, le 23 décembre 1790. On raconte une curieuse histoire sur sa naissance. Il semble que sa mère était paralytique et que son père, un libraire qui avait essayé sans résultat tous les médecins possibles, décida au milieu des années 1790 de se tourner vers un guérisseur nommé Jacquou. Celui-ci la fit s’allonger sur un lit d’herbes et boire un breuvage de vin chaud. Il annonça ensuite sa guérison immédiate et la naissance d’un garçon d’une renommée impérissable. La malade se leva trois jours plus tard et accoucha bientôt du petit Jean-François. On dit que le médecin qui examina le nouveau-né fut étonné de constater qu’il avait une cornée jaune, caractéristique propre aux Orientaux et extraordinaire chez un Européen du Centre. D’autre part, on a toujours insisté sur le fait que son teint était foncé, presque brun, et que ses traits étaient quelque peu orientaux, ce qui, joint à l’orientation de ses études, lui a valu tout au long de sa vie le surnom de « l’Égyptien ».
À 12 ans, la Pierre de rosette rentre dans sa vie
Champollion a douze ans lorsque son cousin, le capitaine Champollion, lui montre l’une des deux copies à l’encre de la Pierre de Rosette, arrivées à Paris sur ordre de Napoléon. Et ce fait oriente à jamais le destin de Jean-François, en dirigeant toute sa vie vers le déchiffrement de cette écriture.
Sa capacité à apprendre les langues est incroyable. À treize ans, en plus du grec et du latin, obligatoires à l’école, il apprend l’arabe, l’hébreu, le syrien et l’araméen. Mais l’étude de ces langues avait un but : l’Égypte. Toutes ces langues étaient nécessaires pour comprendre ce qu’il en était à cette époque de l’histoire égyptienne.
À 18 ans, il s’installe à Paris et apprend le persan et surtout le copte, car il est persuadé que cette langue est une survivance de l’ancienne langue égyptienne. Il disait : « Je veux connaître l’égyptien comme le français. Je parle copte moi-même, car personne ne me comprendrait. »
La Pierre de Rosette a été la clé pour comprendre la civilisation égyptienne. C’est une pierre de basalte noir qui a été retrouvée en 1799 près du village de Rosette par les troupes de Napoléon lors de l’occupation de l’Égypte. Il s’agit d’un fragment de stèle, daté de 196 avant J.-C., qui reproduit un décret de Ptolémée V (208-180 avant J.-C.), dans lequel figurent trois inscriptions différentes :
– Les quatorze premières lignes en caractères hiéroglyphiques (utilisés en Égypte sur les monuments et les temples),
– les trente-deux lignes centrales en écriture démotique (une écriture simplifiée et populaire utilisée en Égypte à partir d’environ 1000 avant J.-C.)
– et les cinquante-quatre lignes restantes en grec.
Nous n’allons pas rendre compte de tout le processus qui a suivi, (1) mais il convient de souligner l’ampleur de son entreprise en affrontant une écriture qui comportait trois types de signes : phonétiques, mots et idées, et qui avait évolué au cours de 3000 ans ; et qu’il faut lire de droite à gauche, de gauche à droite ou de haut en bas selon la période à laquelle elle appartient.
Des années d’efforts laborieux et continus, sans fruit apparent, finissent par miner la santé et la bourse de Champollion. En proie au pessimisme et au désespoir, il craint que quelqu’un ne le devance et ne lui vole enfin la gloire de découvrir la clé des hiéroglyphes ; ce quelqu’un était Thomas Young.
Champollion, en comparant les inscriptions entre elles, parvient finalement à démontrer que l’écriture cursive n’est en réalité qu’une simplification du hiéroglyphe. À leur tour, les caractères démotiques ne sont que la dernière dégradation à laquelle, avec le temps, sont arrivés les signes originels. Il venait de déchiffrer la pierre.
En déchiffrant les hiéroglyphes, Champollion a ouvert la voie à une nouvelle science, celle de l’égyptologie.
(1) Lire l’article Champollion et la naissance de l’égyptologie, par Marie-Agnes Lambert, page 10
Article paru dans la revue espagnole Esfinge et traduit par Michèle Morize
par Julián PALOMARES
Responsable du Centre de Vigo (Galice), Nouvelle Acropole Espagne
Évènements autour de la célébration de Champollion :
Exposition
Champollion, la voie des hiéroglyphes
Du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023
Informations et réservations :
Louvre/Lens
99, rue Paul Bert 62300 Lens
Tel. : 03 21 18 62 62
Site internet : https://www.louvrelens.fr/exhibition/hieroglyphes/
Évènements autour de Figeac :
https://eureka-figeac.fr
Exposition
Hiéroglyphes, la méthode Champollion
Jusqu’au 02 Octobre 2022
Bibliothèque municipale
12 Boulevard Maréchal Lyautey
38000 Grenoble
Tel : 04 76 86 21 00
www.bm-grenoble.fr
À écouter sur le site de radio France
Une Grande Traversée en cinq épisodes, signée Emmanuel Suarez, et réalisée par Anne Fleury.
Podcasts sur la vie de Champollion : par des égyptologues, historiens, des archivistes