Comment les enfants apprennent
Sans prétendre à l’exhaustivité, cet article se situe dans un contexte suffisamment vaste par rapport à ce qui est aujourd’hui disponible pour présenter un panorama rapide mais relativement complet des différentes manières dont les enfants apprennent.
Quand on regarde un jeune enfant jouer, profondément absorbé, on peut se dire : « Qu’il en profite ! Il lui faudra bien assez tôt apprendre à vivre. » Mais, en réalité, nous le savons désormais, lorsque l’enfant joue, il travaille. Intensément. À découvrir comment fonctionne le monde dans lequel il est arrivé. À construire son corps et son mental. Par quels processus mystérieux conduit-il son apprentissage ?
Comment l’enfant apprend-il ?
Par imprégnation
De même qu’une éponge sèche, plongée dans l’eau, s’en gorge quasi instantanément, de même que les poumons du nouveau-né se déploient pour se remplir de l’air ambiant à la première inspiration, de même l’esprit de l’enfant à la naissance, absorbe tout de l’époque à laquelle il naît et de son ambiance.
C’est un des apports, capital, de Maria Montessori (1), qui a mis en évidence le fait que l’enfant, dans les premières années de sa vie, est doté d’un esprit absorbant, grâce auquel il absorbe et fait sien tout ce qui l’entoure. C’est ce qui lui permet, entre autres, d’apprendre sa langue maternelle et toute sa complexité grammaticale, sans aucun enseignement. Ou encore, ce qui explique que le maniement des outils numériques soit si spontané chez les enfants d’aujourd’hui alors qu’il coûte tant aux personnes âgées, où rien de tout cela n’existait lorsqu’elles sont nées.
Par imitation
Le bébé imite les sons et les mimiques de son entourage. Plus âgé, il imite les activités des grands. Il joue au marchand, au pompier, à la maîtresse, au docteur, etc. L’adolescent s’inspire d’adultes ou de personnages connus qui lui servent de modèle.
Cet apport a été particulièrement mis en avant au XXe siècle par Rudolf Steiner (2). Déjà, dans l’antiquité, Aristote disait : « Imiter est en effet, dès leur enfance, une tendance naturelle aux hommes… et ils commencent à apprendre à travers l’imitation. » (3)
Par tâtonnement expérimental
L’enfant qui apprend à marcher ne compte pas ses chutes. Mû par une impulsion puissante, il tombe et se relève, inlassablement, jusqu’au jour où il maîtrise la marche. C’est le tâtonnement expérimental qui lui permet de construire de l’intérieur son sens de l’équilibre.
Ce mode d’apprentissage, un des 3 principes de base de la pédagogie Célestin Freinet (4), est confirmé par les recherches actuelles : Alison Gopnik, chercheuse en science cognitive (5), explique que le bébé et le jeune enfant procèdent selon la même démarche que les savants : ils posent une hypothèse, expérimentent, et la modifient selon les résultats jusqu’à vérification.
À travers le corps
Entre autres pédagogues, c’est aussi un des apports de Maria Montessori.
La main et le mouvement jouent un rôle considérable dans l’apprentissage. L’enfant a besoin de se déplacer, de mimer, de manipuler. Il apprend à travers son corps et à travers tous ses sens.
Un peintre dit enseigner à ses élèves à peindre en leur apprenant le geste juste.
Les 3 modes d’apprentissage selon l’écopsychologie
Ce sont l’auto-formation, où l’on est son propre maître, l’hétéro-formation, où le maître est un autre humain, enfin l’écoformation qui constitue l’apport spécifique de l’écopsychologie, fondée par Gaston Pineau (6). Le maître y est l’environnement et tout ce qui le constitue.
« En soi ou avec d’autres, la personne est à l’étroit. Le cosmos est sa demeure. Espace difficile à habiter, tant il est à la fois proche et lointain, démesuré et cependant délimité, intériorisé, même, à chaque respiration ».
La réminiscence
Fondé sur l’idée de l’immortalité de l’âme, qu’elle confirme, et son alternance de vie sur terre et dans l’au-delà, c’est chez Platon (7) que nous trouvons ce dernier mode d’apprentissage.
Pour lui, connaître, c’est se souvenir. L’âme possède une mémoire qui dépasse le cadre de son incarnation actuelle. Stimulée, elle peut se remémorer et faire émerger à la conscience la connaissance enfouie en elle.
Délia Steinberg-Guzman (8) explique que la réminiscence est la « mémoire de l’âme », plus ténue et plus difficile à actualiser que le souvenir qui relève de notre personnalité mortelle et concerne notre incarnation actuelle. Elle est « une perception intuitive qui n’a rien à voir avec le cerveau physique », et vient de l’individu, du spirituel, de ce qui perdure par-delà la mort. Elle est « actualisation consciente de toutes les expériences qui appartiennent à notre moi supérieur », qui n’en garde que la quintessence.
Tous ces modes d’apprentissage sont au service de la pulsion impérieuse qui pousse dès la naissance l’être humain à apprendre, à grandir, à actualiser son potentiel et à réaliser sa pleine humanité. Apprentissage que le rôle de l’éducateur est de favoriser en créant un environnement propice.