Arts

« Enfers et fantômes d’Asie »

Parcourir cette exposition (1) qui conduit des Enfers, vers les fantômes les plus variés et terrifiants dans des mises en scènes réalistes et des extraits de films, réunit en même temps, la visite d’une exposition et l’immersion dans une expérience cinématographique, faisant ressentir des frissons, comme dans un train fantôme et invitant à réfléchir sur la relation entre les vivants et les morts. Les iconographies sont orientales, mais la relation entre les morts et les vivants demeure universelle et interpelle chacun de nous.

En Chine, en Thaïlande ou au Japon – terrains d’étude de l’exposition – l’engouement populaire pour l’épouvante est bien réel, imprégnant une grande diversité de productions culturelles.

Cette exposition comprend trois sections.

Préambule

Un fantôme ne meurt jamais.
Un fantôme ne meurt jamais.

Un fantôme ne meurt jamais. En Asie orientale et du Sud-Est, les histoires d’épouvante ont traversé les époques, véhiculées par la tradition orale, la littérature, le théâtre et le cinéma, qui leur donna une force sans précédent. Dès le Xesiècle, l’art bouddhique chinois illustre le jugement des âmes aux enfers et, deux siècles plus tard, les rouleaux japonais des « fantômes affamés » (gaki zoshi) laisseront les plus anciennes images de revenants connues à ce jour. Cependant, les fantômes dépassent le cadre moral et explicatif de l’art religieux. Leur iconographie s’est construite dans des formes d’expression plus profanes de la culture populaire et à travers des histoires. Les arts du spectacle puis les films ont largement contribué à faire sortir les spectres d’Asie du monde invisible. Le retour d’un défunt parmi les vivants résulte souvent d’un destin brisé de manière violente ou anormale et qui va chercher à s’accomplir après la mort. Les fantômes viennent régler une dette ou réparer une injustice. Leurs apparitions nous effraient en nous confrontant à l’inhumanité.

Section 1 – Visions des Enfers

 La philosophie bouddhique n’a pas la notion d’être permanent mais plutôt celle d’un perpétuel devenir. Toute existence est provisoire, pour les dieux autant que pour les hommes, les animaux ou les damnés. Les enfers sont un purgatoire où les défunts expient leurs fautes sous la torture avant de rejoindre le cycle des réincarnations. En Asie orientale et du Sud-Est, les supplices infernaux sont décrits dans la peinture et la sculpture, alors que ce sujet n’a pas été représenté en Inde, pays d’origine du bouddhisme. Les rouleaux illustrés du Sûtra des Dix Rois, retrouvés à Dunhang (Chine) et datés du Xesiècle, restent les plus anciennes représentations connues des enfers. Les moines les utilisaient lors de rituels funéraires pour expliquer le devenir de l’âme dans l’au-delà. La vision des enfers est pédagogique et libératrice. Elle enseigne la loi du karma, selon laquelle la condition de chaque être, dans cette vie et les suivantes, résulte de ses actes passés.

La manifestation d’un défunt parmi les vivants se produit souvent à la suite d’une mort anormale ou violente et de rituels funéraires non respectés.
La manifestation d’un défunt parmi les vivants se produit souvent à la suite d’une mort anormale ou violente et de rituels funéraires non respectés.

 Section 2 – Fantômes errants et vengeurs

La représentation des revenants s’est beaucoup développée dans l’art populaire et profane. Les histoires d’épouvante les plus célèbres, comme celles d’Oiwa au Japon ou de Nang Nak en Thaïlande, proviennent de la tradition orale et de la littérature, avant d’avoir été adaptées au théâtre puis au cinéma. La manifestation d’un défunt parmi les vivants se produit souvent à la suite d’une mort anormale ou violente et de rituels funéraires non respectés. Animé par la rancune, le fantôme erre entre deux mondes. Il vient nous hanter pour demander la réparation d’une faute ou accomplir un destin interrompu prématurément.

Section 3 – La chasse aux fantômes

Expulser des esprits dangereux ou entrer en leur possession relève de rituels magico-religieux complexes, dont le caractère ésotérique renforce l’efficacité. Ainsi les diagrammes et écritures magiques, dont les significations ne sont connues que des spécialistes, jouent-ils un rôle de protection contre les entités invisibles. Selon un principe d’opposition symbolique, les objets associés à la pureté et à l’ordre universel sont de nature à chasser les esprits néfastes.
Cependant, le moyen le plus efficace de chasser les fantômes et de convertir les défunts en figures protectrices reste le rituel et le culte funéraires.

Le meilleur moyen de construire une relation pacifique avec les défunts est le culte des ancêtres et c’est donc d’honorer et respecter les morts.
Le meilleur moyen de construire une relation pacifique avec les défunts est le culte des ancêtres et c’est donc d’honorer et respecter les morts.

Comme le dit le commissaire de l’exposition, Julien Rousseau (2) : « Pour ne pas devenir un fantôme, il faut déjà faire des mérites, de bonnes actions, pour ne pas devenir des esprits affamés, dévorés par les passions. Parfois le fantôme cherche à se venger, donc il nous confronte à l’injustice et à nos propres mauvaises actions. Il vient rappeler des règles sociales et morales. Le meilleur moyen de construire une relation pacifique avec les défunts est le culte des ancêtres et c’est donc d’honorer et respecter les morts. »

(1) Les Enfers et Fantômes d’Asie, exposition organisée par le Musée du Quai Branly du 10 avril au 15 juillet 2018, sous la direction de Julien Rousseau, avec l’appui de Stéphane du Mesnildot, conseiller scientifique pour le cinéma
(2) Entretien réalisé par Anne-Frédérique Fer, le 10 avril 2018 pour France Fine Art

 

 

par Laura WINCKLER
Légende des photos :
– Le fantôme d’Okiku, K. Hokusaï (1760- 1849), Série de « Cent histoires », Japon
Le miroir du karma, détail de La Représentation du jugement des morts et de leurs tortures en enfer, XIXe siècle, Japon
– Cortège funéraire, maquette pour l’exposition coloniale de 1931, Vietnam

 

 

 

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