« Et si Platon revenait », que dirait-il ? Que penserait-il de nous ?
« Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts, et ceux qui naviguent en mer. »
Le philosophe est celui qui gouverne son vaisseau sur les eaux tumultueuses du monde. Roger-Pol Droit nous propose un périple avec le Platon qu’il rêve dans le labyrinthe de la société moderne.
De Charybde en Scylla, cette errance entre fast-foods, attentats, surf sur internet ou rencontres d’hommes politiques permet de confronter le monde moderne au regard étonné du père de la philosophie occidentale. La philosophie ne serait-elle pas la longue vue du capitaine du navire ? L’ouvrage est composé de trois carnets qui éveillent à une méditation éthique et sociopolitique.
L’éthique aujourd’hui
Le premier carnet fait le lien entre la société d’aujourd’hui et la pensée platonicienne du point de vue de l’éthique. Roger Pol Droit questionne la liberté et la servitude face aux écrans, caverne mobile où l’homme dilue son identité dans une soupe tiède d’illusions. Il communique par appli interposées avec le reflet numérique de son compagnon enchaîné. Le Web pousse à l’overdose de connaissances mal digérées et souvent nuisibles à l’esprit. La lutte contre les ombres est ardue. Les rumeurs s’y répandent comme un virus et la quête du Vrai est mise à mal. Notre époque voue un véritable culte à la dispersion. Sommes-nous encore capables de penser ? Platon s’étonne ainsi du fatalisme devant la terreur des attentats : la tristesse passée, le refus de la haine de l’autre est-il une forme de résistance à la violence ou une excuse pour ne pas y répondre ?
En imaginant la rencontre entre Platon et Teddy Rinner (1), Roger Pol Droit nous offre sa définition de la philosophie à partir de la pratique sportive : l’amour de la sagesse est Agon – combat contre nos propres ombres. La lutte du corps et celle de l’esprit impliquent la même posture inconfortable, la même discipline. À quel but ? Déjà, survivre : Platon nous fait prendre conscience de la responsabilité de l’homme par rapport à la nature. Le dérèglement climatique se pose en miroir à la démesure humaine. Face à cet enjeu, l’individuation passe nécessairement par la responsabilité environnementale.
Le besoin d’ordre interne de l’homme moderne
Le second carnet aborde la sociopolitique. Roger-Pol Droit insiste sur le besoin d’ordre interne de l’homme moderne. En perte de repère, angoissé par sa propre disparition, il se jette dans les bras du transhumanisme ou se berce d’illusions susurrées par des sophistes pseudo-empathiques. Un homme est capable de suivre une route, peu importe laquelle pourvu qu’elle soit balisée, même si elle mène à l’intolérance. Parce que le désir d’ordre en l’homme naîtd’une volonté de vérité, Platon propose en réponse sa Cité Idéale, structurée pour refléter la hiérarchie interne de l’homme, avec les Idées du Bon, du Beau et du Juste à son sommet. Constituer un État nécessite des individus justes et éduqués, capables de choisir consciemment leur route selon leur boussole interne. Roger Pol Droit insiste. Platon n’est pas Socrate. Dans leurs quêtes de vérité, l’un répond alors que l’autre questionne. Socrate est mort par décision du peuple, et pour son disciple Platon, c’est une preuve que la démocratie n’a pas choisi la justice. Aujourd’hui, critiquer la démocratie fait scandale, mais Roger Pol Droit demande : faut-il abandonner Platon pour autant? – Non, pour lui, lire Platon, c’est s’éduquer au discernement : faire le tri dans les idées, construire ses propres convictions, voir au-delà des dualités du monde. Penser, c’est s’individuer.
L’atemporalité de la pensée platonicienne
Le troisième carnet aborde l’atemporalité de la pensée platonicienne. Les dialogues hors du temps ont un goût d’éternité : ils résonnent dans le cœur de nos contemporains et offrent des clés de lecture de notre actualité. Au-delà des idées, la structure du dialogue platonicien est le reflet de notre manière de penser : naviguer entre les raisonnements et confronter les points de vue permet de dessiner un itinéraire de pensée à l’intérieur de soi. Le fond et la forme se conjuguent de façon cohérente. Cette cohérence nous permet d’allier la pensée et l’action, car la philosophie ici est résolument pratique. Platon et Socrate invitent à découvrir et nourrir l’espace de dialogue à l’intérieur de soi.
Et si Platon revenait ?… cette question exige un effort d’imagination, invite l’âme à la réminiscence. Le périple du philosophe est un retour à lui-même. Questionner notre société revient à se questionner soi-même. Cet ouvrage s’adresse à ceux qui souhaitent pousser la porte de leur propre espace intérieur, ceux qui osent risquer de vivre la traversée en conscience, guidés par la longue vue philosophique de la pensée platonicienne. Il est destiné à ceux qui sont dansce monde, mais pas réellement dece monde.