« Face au Soleil, un astre dans les arts »
À l’occasion du 150e anniversaire de la création du tableau de Monet, « Impression du Soleil levant » qui donna naissance au nom du très célèbre courant impressionniste, le Musée Marmottan Monet a réalisé une très belle exposition sur la représentation du Soleil à travers les siècles
Au cours des siècles le Soleil a fait l’objet de représentations très différentes.
Dans l’Antiquité, l’expression des divinités
Dans le monde antique, le Soleil comme les autres corps célestes étaient l’expression physique des divinités. Les dieux planétaires avaient des attributs très particuliers et le Soleil, en tant qu’étoile, donnant lumière et vie à tout le système assumait le rôle de Père, de Principe Créateur et ordonnateur du monde. Il rythmait le cycle de l’année, les alternances des jours et des nuits qui assurent le développement de la vie sur Terre.
Pour les Anciens, le Soleil et la Lune étaient comme les yeux diurne et nocturne du ciel et incarnaient par excellence les principes Père – Mère ou Yang et Yin, force d’émission et de réception de la nature.
Ainsi, en Grèce, Apollon est le très beau dieu Soleil, surgissant à l’aube avec son char tiré par quatre fougueux chevaux. Il était le maître des Arts, de l’Harmonie et de la Mesure et on l’honorait particulièrement dans le temple de Delphes avec des devises telles que : « Rien de trop ».
En Égypte, il sera représenté comme le dieu Râ, mais prend diverses formes au long de la journée, commençant par la force de régénération de l’aube, comme Kepher, le scarabée et finissant le jour comme un vieillard courbé qui part se reposer dans le monde invisible. Le cycle du Soleil est célébré dans le culte journalier du temple, ainsi les humains participent consciemment des faces d’éveil et d’endormissement, analogues avec les cycles et les alternances de la vie et de la mort.
Le Soleil, de la Bible à la Renaissance
Le Dieu créateur de la Bible donnera naissance à toutes choses, dont les astres qui sont subordonnés à sa grandeur. On verra également le Soleil et la Lune apparaitre dans les scènes de la crucifixion, témoins célestes de la résurrection du Christ.
Dans l’Europe renaissante, le Soleil embrasse à nouveau l’insondable infini et représente une vision spirituelle de l’univers. Ainsi, pour les empereurs du Saint Empire germanique, dont un polyptyque d’Albrecht Dürer dira : « Ce qu’est le Soleil au ciel, l’empereur l’est sur la Terre ». Cette vision sera confirmée par Charles Quint, souverain d’un immense empire sur lequel le Soleil jamais ne se couche, allant de l’Asie jusqu’aux Amériques.
Pour l’humanisme de la Renaissance, ce Soleil représentera également la dernière transmutation de la matière qui transforme le vil plomb et or lumineux et pur. L’œuvre au Rouge évoque cet état de perfection alchimique obtenu par la pierre philosophale.
Ainsi, le Soleil reprend le sens philosophique platonicien de la part immortelle, Noüs au cœur de l’être humain.
Pendant ce temps, une autre révolution se met en place avec Copernic qui remplace le système géocentrique ptolémaïque par la vision héliocentrique. Le Soleil revient au centre et toute la nature s’ordonne autour de ce centre sommet.
L’âge classique, mythologie et royauté
Des beaux paysages mettent en valeur la lumière dorée des aubes et des crépuscules, comme dans les œuvres du Lorrain ou de Rubens. Et le Soleil, par son rayonnement universel devient le symbole royal par excellence dans toute l’iconographie de Versailles qui rend culte à Louis XIV, comme expression sur terre du Roi Soleil. Les représentations mythologiques d’Apollon prennent toutes les formes et emplissent les plafonds de plus beaux palais.
Cette analogie symbolique entre la figure du Roi et celle du Soleil, prend également ses racines dans l’Antiquité. Le rôle du Soleil étant d’éclairer, diriger et porter sa famille céleste vers des destinées glorieuses. En effet, c’est le Soleil qui entraine la cohorte des planètes autour de l’axe galactique comme nous le savons de nous jours. Donner une directionalité et permettre l’évolution des êtres et de la vie semble être sa vocation essentielle.
Du Romantisme à l’expressionnisme
Le symbolisme religieux s’exprime dans le nord de l’Europe à travers la représentation d’une nature sublime et terrifiante à la fois. Les cœurs s’ouvrent au mystère de l’infini et les artistes évoquent ainsi la présence divine. Ce sera le cas par exemple, avec les tableaux de Caspar David Friedrich, vibrants d’intériorité et d’émotions intimes.
Dans la période impressionniste, la peinture en plein air permet de sentir et d’exprimer plus intensément toutes les fluctuations de la lumière du jour, en suivant les changements permanents des heures et des saisons. Cela donnera les séries des peintures de Monet, telles les Cathédrales de Rouen.
En même temps, on étudie de façon plus précise les caractéristiques des couleurs et on observe plus finement avec des appareils de plus en plus sophistiqués la nature du Soleil et des corps célestes.
L’expressionnisme et la nature surnaturelle
Avec l’expressionnisme, dans les pays du Nord, on sent un rapport à la nature admirée par son caractère grandiose et sublime, empreinte des signes du divin. C’est au cœur de l’université d’Oslo que Munch représente un immense Soleil qui irradie dans l’espace, se projetant dans toutes les directions.
Et en même temps, au début du XXe siècle, l’angoisse de la préfiguration de la Première Guerre mondiale se traduit par des œuvres emplies de sombres pressentiments, comme le Lever de Soleil de Otto Dix qui est une inversion d’un tableau de Van Gogh, avec ses champs couverts de neige où survolent de tragiques corbeaux.
Chaque époque traduisant une image du Soleil, il nous reste à voir ce que la créativité de notre XXIe siècle pourra nous proposer. Cela dépendra de quel niveau de réalité du Soleil attirera notre attention, sa surface incandescente et fascinante ou sa réalité transcendante et métaphysique. À chacun se réponse, à chacun sa représentation du monde et de lui-même.