Fanchon Pradalier-Roy, La loi mystérieuse de l’Amour
Dans son dernier livre « L’amour au-delà de la rencontre », l’astrologue Fanchon Pradalier Roy, fait l’éloge de l’amour.
La revue Acropolis a voulu en savoir un peu plus sur l’amour, celui qui, au-delà de la rencontre, prend de multiples visages, de la naissance à la mort et nous « tombe dessus » pour nous réveiller, nous donner l’occasion d’évoluer.
Laura WINCKLER : Qu’est-ce que l’amour, loi d’attraction, force supérieure, comment peut-on le définir ?
Fanchon PRADALIER ROY : Il y un certain temps, on voyait l’amour comme loi d’attraction, ce qui de mon point de vue n’est pas une bonne manière. L’amour est tellement autre chose ! C’est une loi d’union. À travers l’amour, on recherche l’union.
L’amour n’est pas un sentiment, ni une émotion. C’est une force supérieure qui guide les mondes et qui nous guide, à travers notre expérience humaine.
Certes l’amour agite les sentiments, les émotions, il nous agite du haut vers le bas, c’est comme un courant électrique qui nous parcourt, d’où la raison du coup de foudre.
Il est intéressant de ne pas voir l’amour seulement comme une loi d’attraction, mais plutôt de le voir comme une force de guidance, qui nous tombe dessus chaque fois qu’il y a une opportunité de nous faire grandir, d’évoluer.
L.W. : Qu’est-ce que le coup de foudre ?
F.P.R. : L’amour tombe comme un éclair vertical et se traduit par une attirance envers quelqu’un, qui devient notre centre d’intérêt. Mais nous oublions que l’amour vient d’en haut et notre tendance est d’en faire un jeu horizontal et de projections. On perd alors sa véritable valeur.
L’amour n’est pas là pour nous faire tourner autour d’un être extérieur et inversement. L’amour est là pour nous faire évoluer. Ce que j’ai remarqué et qui est mon hypothèse, l’amour nous tombe dessus, quand l’univers, ou Dieu ou ce qu’on pense des instances supérieures, nous met en relation avec tel ou tel être, parce que cette rencontre offre à chacun une opportunité d’évoluer.
L’attraction paraît jouer sur l’horizontale, mais, en réalité, cela vient d’en haut : c’est le mécanisme d’évolution de la croix, l’impulsion vient bien d’en haut et il doit se produire des changements sur l’horizontale. L’amour est de la même nature que l’intuition.
L.W. : Il y a trois étapes qui traversent l’amour, l’amour passion, l’éclosion de l’âme, l’amour créateur.
F.P.R. : Dans une vie humaine, il y a trois étapes qui sont de la naissance à l’âge adulte ; puis l’âge adulte proprement dit et le troisième âge qui est celui de la sagesse. D’une certaine manière, l’amour traverse ces trois étapes. On parle d’amour entre parent et enfant, d’un amour inconditionnel exclusif, une nourriture nécessaire aussi bien que la nourriture terrestre. Il aide l’enfant à grandir, à évoluer, à devenir adulte. Mais on oublie qu’à l’inverse pour les parents, élever, éduquer les enfants, c’est un chantier d’expérience d’amour qui est extraordinaire. La première étape, apprendre à aimer. Parce que c’est difficile de ne pas être passionné, de savoir laisser à son enfant la liberté, de ne pas avoir des idées à sa place, de ne pas vouloir l’amener là où on pense qu’il faudrait qu’il aille, mais de l’aider à aller là où s’est bien pour lui. Le parent apprend ce qu’est l’amour et à ne plus être dans la passion, l’exclusivité, mais peu à peu à laisser son enfant aller dans la vie, devenir adulte, autonome.
L.W. : Quelle est la première étape ?
F.P.R. : La première étape de deux jeunes amoureux commence par une totale exclusivité, on ne pense qu’à l’autre, on ne veut voir que l’autre, tout tourne autour de lui, un peu comme une lune et un soleil, un jeu de projection complet. Mais si on aime vraiment l’autre, on commence à être désintéressé, à le laisser s’épanouir, donc à sortir de l’exclusivité ; parce que la passion est exclusive.
Un amour exclusif, c’est un amour qui exclut tous les autres et qui n’inclut que l’objet de l’amour à proprement dit. C’est un amour peu évolué, où l’on apprend à grandir, par souci de ne pas perdre celui ou celle que l’on aime. Évoluer c’est apprendre à grandir en incluant les autres. La passion est la première étape de l’amour, au sens où tout nous appartient et où tout doit répondre à nos besoins et envies, c’est un peu comme un enfant qui a besoin de l’amour exclusif de ses parents pour survivre puis grandir.
La deuxième étape est celle où l’on devient adulte, chacun, par amour a sincèrement envie d’évoluer. Et heureusement car chaque protagoniste se trouvé confronté à sa plus grande difficulté. Chaque fois qu’il y a une attirance d’amour entre deux êtres, on peut être sûr qu’ils vont être, chacun, mis au défi d’évoluer. Souvent des couples se quittent parce qu’ils se trouvent confrontés à un défi qu’ils ne se sentent pas capables de relever, mais en fait ils retrouveront le problème ailleurs, d’une manière ou d’une autre. Passer de la passion à l’amour, c’est passer de l’adolescence à l’âge adulte.
C’est par l’amour qu’on évolue, et l’amour créateur se rencontre à toutes les étapes. Dès que l’on est capable de sortir de la passion, on devient un individu créateur de sa propre vie, non plus un individu objet.
L.W. : Chacun se crée soi-même et entre les deux on crée quelque chose en commun.
F.P.R. : Chaque fois qu’il y a une relation d’amour, on pense qu’il n’y a qu’une relation horizontale, c’est-à-dire dans le quotidien, dans la vie. Mais la relation d’amour est entre deux êtres qui avancent, mais qui ne se portent pas, elle est davantage dans un accompagnement, d’où le terme de compagnonnage. Dans la passion, comme dans le cas d’un parent qui dirige son enfant pour qu’il soit comme il le pense, on est dans le jeu des projections. Or, les projections nous amènent dans une impasse douloureuse qui finit par nous montrer ce qui ne va pas et pour nous inciter à grandir sur la verticale, à nous élever.
L.W. : Peut-on éduquer à une nouvelle vision de l’amour ?
F.P.R. : Lorsqu’on comprendra le rôle de l’amour dans notre vie, on assumera mieux notre rôle de parent et l’on sera de meilleurs éducateurs pour nos enfants et adolescents. On sera meilleur politique, parce que là où l’amour doit être le plus présent, c’est dans les corps de métier qui travaillent pour le bien commun. Il est important que nous ayons une nouvelle vision de l’amour et que nous essayions de l’élucider, parce que nous sommes encore totalement aveugles à ce qu’il est et à son rôle comme loi d’évolution.
Il faut montrer ce qu’est l’amour, apprendre à repérer là où il est absent. En comprenant ce qu’est l’amour, on comprend mieux le monde et son fonctionnement.
Par exemple, la guerre est un acte d’amour, taper sur l’autre aussi, parce qu’il s’exprime d’abord par le physique y compris dans le rejet et dans le conflit. Les guerres sont des conflits nationalistes, d’exclusivité, exprimant la volonté de s’emparer de l’autre, c’est un acte d’amour de degré zéro (celui de la haine et de la passion) que de vouloir s’emparer de l’autre, le posséder. C’est l’aspect primitif. En séparant le bien du mal, on revient à une vision exclusive de l’amour, alors que l’amour est, par essence, inclusif.
L’amour agit à tous les degrés de notre échelle d’évolution et s’exprime différemment selon les niveaux, dans un continuum : un enfant qui donnerait un coup de pied à ses parents est en train de vouloir impatiemment attirer leur attention, leur amour, en quelque sorte il demande de l’aide. Et c’est aux parents d’apprendre à l’enfant à s’exprimer autrement.
L.W. : Quel est le nouveau paradigme de lumière de l’amour (Verseau) qui remplace la lumière de la raison ?
F.P.R. : Depuis la Renaissance et le siècle des Lumières ce qui a été mis en avant est la raison. Parce qu’elle serait une vision inclusive et positive du monde. Mais la raison vient de l’intellect qui est exclusif, égoïste, parce que tel est le fonctionnement de la personnalité. Actuellement il ne s’agit pas de se limiter à être dans la raison, mais il faut être dans un positionnement d’ouverture pour faire acte d’amour. En essayant d’être au-delà de l’intellect, on accède à une autre dimension, celle de l’amour.
Aujourd’hui la politique est guidée par des raisonnements de nature économique et rationaliste et tant qu’on reste dans ce paradigme purement matérialiste, on fait rentrer l’humain dans des contraintes insupportables et justement « inhumaines ». Ce fonctionnement épuise les ressources matérielles de la planète et en même temps les ressorts psychologiques de l’être humain. Car l’humain a besoin d’une autre dimension, celle humaine et inclusive de l’amour, qui est celle de son âme. Et toutes les âmes sont reliées au monde unitaire de l’esprit qui incite à œuvrer au bien de l’ensemble.
L.W. : Au niveau collectif ce paradigme se résume en somme à des valeurs de fraternité.
F.P.R. : Les valeurs du Verseau, comme le dit Sri Aurobindo (1), ce sont les trois idées sœurs : liberté, égalité, fraternité, Elles ont été exprimées par la France à la Révolution française, à travers la Déclaration des droits de l’homme. La fraternité est de l’amour au niveau collectif, c’est une valeur christique, puisqu’elle a déjà été amenée par le Christ par ses paroles : « aimez-vous les uns et les autres » et : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est pour cette raison que j’affirme que la Révolution française a sécularisé les valeurs d’amour déjà proposées par le christianisme et que, si la Révolution française est bien l’évènement source de l’ère du Verseau, celle-ci avait déjà été annoncée par le Christ en son temps.
Alice Bailey (2) dit : « L’ère du Verseau est une ère où la raison et le mental n’opèrent plus et dont les valeurs sont la vie et l’amour ». On a un exemple avec le souci écologique qui prend en considération tout le monde du vivant. Nous devons nous réapproprier la conscience de l’âme au-delà de la personnalité temporelle.
L.W. : Comment favorise-t-on ce passage, est ce que cela se fait d’une manière violente, par des prises de conscience ?
F.P.R. : On ne peut pas forcer les individus à évoluer, cela se fait progressivement à l’échelle de chacun. Mais il y a probablement déjà un certain nombre d’individus qui ont intégré une conscience d’âme et l’évolution collective dépend d’un certain seuil. Chaque fois que l’on change de paradigme, il y a une idée apocalyptique qui arrive en même temps. Le sens du mot apocalypse est « révélation ». Coline Serrault (3) dit : « Quand le vieux monde s’effondrera, on verra le nouveau monde qui a déjà poussé ». Le nouveau monde est déjà là, mais il n’y a pas encore assez d’êtres en proportion qui ont accédé à une conscience d’âme pour qu’il s’impose. Pour le moment ce que l’on voit dans les médias, c’est l’ancien monde. C’était pareil à la Renaissance, il a fallu 150 ans pour prendre conscience qu’on vivait une Renaissance. Nous sommes dans un cycle analogique a la Renaissance qui a commencé en 1892. À la Révolution, on disait : « la fraternité ou la mort ». Sans fraternité on meurt, il faut être fraternel !
C’est la révélation d’un monde écologique à la place d’un monde purement économique. Le premier est un monde qui inclut l’humain avec la nature. Nicolas Hulot expliquait qu’il n’avait pas pu combler la faille entre l’économie et l’écologie. L’une est rationnelle et l’autre est de nature humaine.
On est dans un moment apocalyptique, au sens où on attend la révélation du nouveau paradigme, qui viendra par l’intelligence du cœur. L’intuition est de même nature, car qu’est-ce que l’amour, l’intuition ? C’est une énergie, une lumière qui nous vient des mondes supérieurs et qui nous éclaire puis rayonne à travers nous lorsque nous la laissons pénétrer. Nous devons passer du « je » exclusif et opaque au « nous » intégratif et lumineux de tous les rayonnements réunis.
(1) Aurobindo Ghose dit Sri Aurobindo (1872-1950) philosophe, poète, écrivain, mystique indien qui a développe le yoga intégral. L’Un des leaders du mouvement pour l’indépendance de l’Inde. Lire articles de Lionel Tardif dans revue 250 (mars 2014), 253 (juin 2014), 256 (octobre 2014), 257 (novembre 2014), 259 (janvier 2015)
(2) Écrivain britannique, auteur d’ouvrages sur l’occultisme et l’ésotérisme
(3) Actrice, réalisatrice, scénariste, compositrice et chef de chœur française, née en 1947
par Laura WINCKLER
Site de Fanchon Pradalier Leroy : http://fanchonpradalieroy.fr/