La découverte d’outils paléolithiques recule l’apparition de l’homme sur Terre
Les découvertes d’outils très anciens se multiplient dans le monde entier, faisant revoir nos connaissances sur les plus anciennes espèces humaines éteintes qui ont précédé l’apparition de l’ »Homo sapiens », et sur l’ »Homo Sapiens » lui-même, l’homme actuel.
À écouter en podcast
Commençons par la découverte de l’équipe d’archéologues et paléoanthropologues menée par Ludovic Slimak, chercheur du CNRS à l’Université de Toulouse, qui repousse l’arrivée d’Homo Sapiens en Europe occidentale à il y a environ 54.000 ans. Ce dernier s’est aventuré sur le territoire européen de Néandertal bien plus tôt que rapporté jusqu’ici, comme en témoignent des fossiles et outils de la grotte Mandrin, sur le Rhône. Autre fait remarquable, cette découverte révèle son occupation de la grotte Mandrin en alternance avec Néandertal, là où, d’ordinaire, Sapiens remplaçait ce dernier pour de bon, sans qu’aucun indice ne trahisse une cohabitation entre ces deux espèces humaines.
Citons maintenant les outils découverts en Pologne dans la grotte de Tunel Wielki, où les fouilles successives menées en 1960, puis en 2016 et 2018 ont montré des couches successives de matériaux allant de l’Holocène (environ 11.700 ans) au Paléolithique moyen (-40.000 ans) et enfin entre 450.000 à 550.000 ans correspondant à la période de l’Homo heidelbergensis, ancêtre de notre parent, l’homme de Néandertal. Ces artéfacts en silex constituent « de très rares preuves de la présence des premiers hommes qui se sont aventurés au nord des Carpates », indiquent les chercheurs des universités de Varsovie et de Wroclaw dans un article des Scientific Reports du 29 septembre 2022.
La cuisson alimentaire, déjà dans la Préhistoire
Continuons par une anecdote intéressante : on pensait que la cuisson alimentaire était l’invention d’Homo sapiens, il y a à peu près 170 000 ans, mais voilà que des aliments mijotaient déjà 610 000 ans plus tôt ! Sur les bords d’un lac israélien où vivait autrefois Homo erectus, des paléontologues du Muséum d’histoire naturelle de Tel-Aviv ont décelé des restes de poissons, notamment de carpes. Or, parmi les trouvailles, énormément de dents et quasiment pas d’arêtes ! La raison ? Elles auraient fondu. « Contrairement aux dents, qui résistent à une chaleur intense, les arêtes se transforment en gélatine à quelques centaines de degrés, explique la paléontologue Irit Zohar. Ce qui laisse penser que les poissons ont été passés au feu. »
Enfin, des outils de pierre taillée mis au jour au Kenya et comptant parmi les plus anciens jamais trouvés éclairent d’un nouveau jour la répartition géographique des ancêtres de l’espèce humaine. Ils prouvent également pour la première fois que les premiers hominidés consommaient, en plus de la viande crue de gros mammifères, des végétaux qu’ils broyaient avec ces mêmes pierres. D’après la paléoanthropologue Emma Finestone, conservatrice adjointe du service des origines humaines au Musée d’histoire naturelle de Cleveland, qui faisait partie de l’équipe qui a travaillé de 2014 à 2022 à Nyayanga, sur les rives du lac Victoria, on soupçonnait depuis plusieurs années déjà Paranthropus (parenthrope, famille cousine des humains) de s’être servi d’outils. Les outils et les dents découverts à Nyayanga se trouvaient dans des sédiments vieux de 2,6 à 3 millions d’années. D’après Thomas Plummer, ces outils pourraient avoir été confectionnés il y a 2,9 millions d’années environ, ce qui correspond à la partie haute de cette estimation. Avant cela, les plus anciens outils oldoweyens connus dataient d’il y a 2,6 millions d’années et provenaient de la région d’Afar, en Éthiopie, à près de 1.300 kilomètres au nord.
Bien que certains outils en pierre encore plus anciens (3,3 millions d’années) aient été mis au jour sur un unique site du nord-ouest du Kenya, la conception d’outils oldoweyens plus petits et plus légers a été une révolution technologique. Il y a bon espoir que de futures découvertes de fossiles Paranthropus scellent pour de bon l’idée selon laquelle cet homininé non Homo a pu fabriquer ces outils.
