La « Divine Comédie », un voyage initiatique dans l’au-delà pour une réalisation spirituelle dans le monde des vivants
Écrit en hommage au 700e anniversaire de la mort du grand poète italien, Dante Alighieri, « Dante et le voyage initiatique de la Divine Comédie » (1), aborde le périple initiatique et la réalisation spirituelle de l’être humain dans cette vie.
La Divine Comédie est un chef-d’œuvre littéraire et un monument de la pensée, qui inspira l’Occident, à l’instar d’Homère dans l’Antiquité. Écrite à Ravenne, entre 1304 et 1316, alors que Dante est en exil pour des raisons politiques, l’œuvre met en scène le périple de Dante lui-même à travers les trois mondes de l’au-delà :
l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis.
Les clés mathématiques de la « Divine Comédie »
La Divine Comédie se présente sous la forme d’un très long poème (14 233 vers, soit l’équivalent d’un volume de sept cents pages) écrit en vers selon une architecture et des clés mathématiques très précises.
Une des clés numériques utilisée par Dante dans son poème est le ternaire.
D’une part, Dante utilise une forme poétique rare, la terza rima, la tierce rime, qui impulse un rythme ternaire au poème. Les strophes sont de trois rimes ; le premier vers rime avec le troisième, et le second rime avec le premier et troisième vers du tercet suivant, créant ainsi une forme de chaine entre les strophes.
De plus, chaque vers est composé de onze pieds, ce que l’on nomme « hendécasyllabe », soit trente-trois vers par strophe (3 vers de 11 pieds chacun).
Il faut noter que trente-trois est également le nombre de chants dans chacune des trois parties, l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis.
Trois animaux symboliques gardent l’Enfer, qui lui-même, comporte trois fleuves, etc.
La « Divine Comédie », une œuvre archétypale et symbolique
Plus qu’un poème extraordinairement imaginatif, plus qu’une œuvre aux accents théologiques, pleine de toute l’érudition de son temps, plus qu’un témoignage des mœurs et personnages de son époque, la Divine Comédie est un texte de l’âme, sur l’âme et pour l’âme ; une œuvre archétypale et symbolique qui nous parle de l’essentiel, de la réalisation spirituelle de l’être humain et de son accomplissement dans cette vie.
Sa lecture voire sa méditation est « allégorique, morale ou anagogique » selon les propres mots de Dante, anagogique signifiant qu’elle porte un sens spirituel et mystique propre à l’élévation de l’âme.
La « Divine Comédie », un voyage initiatique
L’œuvre raconte à la première personne le voyage imaginaire du narrateur qui se retrouve brusquement plongé dans une forêt sombre. Là, il rencontre Virgile, le poète de l’Antiquité romaine, qui l’invite à pénétrer dans le monde de l’au-delà. Virgile est envoyé par Béatrice, la dame aimée par Dante, pour le salut de l’âme égarée de Dante et devient son guide. Ils commencent leur périple par l’Enfer ; suivra le Purgatoire où Virgile est finalement remplacé par Béatrice elle-même ; enfin, le Paradis, jusqu’à la découverte de Dieu, ou mystère de l’origine du monde.
Extraits de « Dante et le voyage initiatique de la Divine Comédie » (1)
« La Divine Comédie commence dans la nuit du Jeudi au Vendredi saint 8 avril 1300, dans une « forêt obscure, au milieu du chemin de la vie ». L’âge réel de l’écrivain est trente-cinq ans, et Dante a perdu son chemin, il est égaré dans la vie ; en fait, il s’est perdu lui-même.
[…] Cette forêt figure notre vie quotidienne, quand elle est vide de sens et dominée par l’anxiété.
Puis, l’écrivain finit par rencontrer Virgile…Virgile est un monument de la littérature latine, l’égal d’Homère pour les Grecs ; c’est LE poète, auquel bien sûr s’identifie Dante. Auteur de l’Énéide, au cours de laquelle Énée fait un voyage dans les Enfers, il est en quelque sorte doté d’une certaine expérience ! […]Au loin, Dante aperçoit la montagne du Purgatoire illuminée par les rayons du soleil et veut s’y rendre, mais trois animaux l’en empêchent : une panthère symbolisant la luxure ; un lion, image de l’orgueil ; une louve, image de la cupidité, projection de trois péchés capitaux dont notre voyageur aura plus tard la vision par l’intermédiaire des âmes châtiées.…
« Contre l’effroi qui me saisit d’un lion paraissant. Il me semblait qu’il vînt droit devers moi, plein de rageuse faim, la tête haute, si qu’on en cuidait voir tout l’air frémir.» Enf. I, 45.
Virgile explique d’emblée à Dante qu’il ne peut pas aller directement vers le soleil et la montagne illuminée, mais qu’il doit passer par les souffrances de l’Enfer et la rédemption du Purgatoire :
« Il te convient d’aller par un autre chemin […] si tu veux échapper à cet endroit sauvage… je serai ton guide et je te tirerai d’ici vers un lieu éternel où tu entendras les cris désespérés, tu verras les antiques esprits dolents qui chacun crient à la seconde mort ; et tu verras ceux qui sont contents dans le feu, parce qu’ils espèrent venir un jour futur aux gens heureux. Et si ensuite tu veux monter vers eux, une âme se trouvera, bien plus digne que moi : à elle je te laisserai à mon départ. » Enf. I, 90-123.
Dante passe les portes du séjour des morts, et traverse les neuf cercles du puits de l’Enfer ; à l’image d’Ulysse dans l’Odyssée et d’Énée dans l’Énéide de Virgile, mais en compagnie d’un guide. Sans guide, Dante aurait été condamné à demeurer dans la forêt obscure ou à ne jamais retrouver son chemin dans l’Enfer. Par ailleurs, le voyage est truffé d’embûches que Virgile tente, tant bien que mal, de déjouer : la mauvaise volonté ou la rage des gardiens des cercles infernaux ; les portes closes de Dité ; les évanouissements de Dante ; les passages escarpés où Virgile doit porter Dante ; les mensonges de Malacoda, etc. Virgile est en quelque sorte son fil d’Ariane. Comme dans tout voyage spirituel, il est nécessaire d’avoir un maître et guide pour être accompagné sur le chemin.
Virgile explique à Dante ce qui l’attend : il devra affronter les vices, l’obscurité et la douleur de l’Enfer, avant de pouvoir accéder au Purgatoire. C’est le chemin initiatique, symbolisé par Job assis sur le fumier et par l’œuvre au noir des alchimistes : tout chemin vers la lumière commence par la rencontre avec l’obscurité et la noirceur.
Virgile lui prédit aussi que lorsqu’ils arriveront au Paradis, il sera remplacé par une âme plus digne, c’est-à-dire Béatrice. Ceci est également significatif : pour s’élever vers les sommets spirituels, Dante aura besoin non seulement de l’intelligence inspirée que représente Virgile, mais, à partir d’un certain stade, il devra éveiller en lui-même l’amour-intuition que symbolise Béatrice. Notre raison et notre perception mentale que représente Virgile sont reléguées dans les Limbes de nous-mêmes. Elles ne nous permettront pas, à elles seules, d’atteindre l’éveil spirituel, même si elles sont un guide et un passage indispensable pour atteindre certains sommets. »
L’œuvre monumentale de la Divine comédie, par l’intensité du récit, la géographique imaginaire et la puissance de toutes ses descriptions, a inspiré de nombreux artistes à travers les siècles, en commençant par Botticelli, mais aussi William Blake, Gustave Doré ou encore Salvador Dali, pour ne citer que les plus connus. Elle nous invite aujourd’hui à redécouvrir la voie intérieure pour aller vers le plus élevé de soi-même.
(1) Dante et le voyage initiatique de la Divine Comédie », Isabelle Ohmann, Éditions Maison de la Philosophie, Collection Petites conférences philosophiques, 2021, 88 pages, 8 €
https://bit.ly/3jjn0t8
Lire l’article Dante poète éternel, d’Isabelle Ohmann, paru dans la revue Acropolis N° 332 (septembre 2021)
https://revue-acropolis.asbl.foodle.co/dante-poete-eternel/
Voir la conférence de Isabelle Ohmann sur Dante et le périple initiatique de la Divine Comédie :
https://www.youtube.com/watch?v=ITitHgeX-Ek&t=46s
par Isabelle OHMANN
Auteur de Dante et le voyage initiatique de la Divine Comédie
© Nouvelle Acropole