La maraude, un pas vers l’autre
De plus en plus de personnes vivent dans la rue et sont sans ressources. Des associations leur fournissent des repas, des soins et dans certains cas l’hébergement. À Bordeaux, une équipe de volontaires apporte quelque chose de plus et d’essentiel : les relations humaines.
Le centre Nouvelle Acropole de Bordeaux organise régulièrement des actions sociales, notamment des maraudes, pour aller à la rencontre des sans domicile fixe (SDF). Un grand nombre de personnes souhaitent y participer pour leur apporter un sandwich ou une boisson chaude. Mais cette simple démarche peut amener bien plus loin.
Apporter un moment de réconfort et de partage
Un sondage récent signale que l’un des premiers besoins exprimé par les SDF est celui du lien social, avec celui d’avoir un pied-à-terre fixe, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Les besoins alimentaires ou vestimentaires sont relégués au second plan.
À l’issue de nos maraudes, le constat presque systématique des volontaires est de dire : «Ce n’est pas si difficile d’échanger avec les SDF. Souvent ce sont même eux qui nous mettent à l’aise». L’idée reçue du SDF agressif ou asocial et la peur devant les apparences enlèvent à beaucoup de volontaires l’élan intérieur qui leur permettrait d’échanger avec eux. La peur d’être sollicités pour une pièce, cet échange commercial indélicat fondé sur le rapport entre la pitié et l’argent rend souvent indignes les bonnes intentions individuelles. Ceci dresse une frontière entre les SDF et les maraudeurs. Comment la franchir ? Cette limite, il faut la franchir avec naturel et authenticité, simplement. Franchir cette limite, c’est comme entrer pour la première fois chez quelqu’un que vous ne connaissez pas : vous vous présentez, vous cherchez à comprendre qui il est, quels sont ses intérêts… et le lien se crée. Pour un instant, ou pour longtemps.
En tant que philosophe, c’est pour nous un exercice et un devoir de pratiquer la maraude. C’est une opportunité pour créer un lien humain, un lien fraternel au-delà des différences. Nous ne sommes pas là pour juger. L’enjeu est surtout un travail d’écoute : on peut demander aux SDF de quoi ils ont besoin. On ne pose jamais de questions sur pourquoi ils en sont arrivés là, ni comment… Nous faisons don de notre présence et nous ne sommes pas en demande. Si nous sommes à l’écoute, le SDF dira ce qu’il a à dire, sans insister davantage.
Des relations simples et authentiques
Avec le temps et les visites régulières, les SDF avec qui le lien se tisse prennent même de nos nouvelles. Les relations sont naturelles et simples. Bien sûr, il y a des moments délicats, parfois difficiles, mais ces moments nous demandent simplement de nous mettre à nu et de ne pas faire semblant.
Après la maraude, quelle que soit la décision du volontaire ; ne pas refaire de maraude ou au contraire en renouveler l’expérience, son regard a changé car il n’est plus possible de faire comme si le SDF que l’on croise au coin de la rue n’existait pas.