Le stoïcisme, une réponse possible à la crise d’aujourd’hui
Les crises que nous vivons aujourd’hui ont déjà existé à différents moments dans l’histoire, notamment en Grèce et Rome antiques. Des écoles de philosophie à la manière classique se sont développées pour tenter d’y apporter des réponses. Parmi elles, le stoïcisme. Serait-il une réponse possible à la crise que nous vivons aujourd’hui ?
17 mars 2020. Une date qui vous est sûrement familière. En pleine crise sanitaire du Coronavirus COVID-19, la population française a été confinée. Cette crise sanitaire n’a fait qu’accentuer des crises sociales et économiques déjà existantes. Dans un monde plus VICA (1) que jamais, vers quelle voie se tourner pour surmonter les épreuves ? Le stoïcisme serait-il l’une d’entre elles ?
Le stoïcisme, une voie du bonheur
Le stoïcisme est un courant philosophique né en 321 av. J-.C., à Athènes. C’est une voie du bonheur, qui s’est développée à la mort d’Alexandre le Grand, à l’époque dite hellénistique. Son fondateur est Zénon de Citium et ses plus illustres pratiquants furent l’homme politique Sénèque, l’esclave affranchi Épictète et l’empereur romain Marc Aurèle.
L’une des caractéristiques clés du stoïcisme tient dans la conscience de notre champ d’action, car notre bonheur ne dépend que de nous.
Selon Épictète, « Il y a des choses qui dépendent de nous, d’autres qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions : en un mot, toutes les œuvres qui nous appartiennent. Ce qui ne dépend pas de nous, c’est notre corps, c’est la richesse, la célébrité, le pouvoir en un mot toutes les œuvres qui ne nous appartiennent pas. » (2)
Il faut donc, par une discipline mentale, se préoccuper de ce qui dépend de nous, à savoir nos actions et nos jugements, et se détacher de ce sur quoi nous ne pouvons avoir de contrôle.
La météo ou encore la maladie ne dépendent pas de nous. En revanche il dépend de nous d’être de bonne ou de mauvaise humeur, de se soigner, ou, dans le cas du coronavirus, de nous protéger, de pratiquer la distanciation pour ne pas transmettre ou contracter le virus, ne pas aller dans des réunions massives…
Ce qui trouble les hommes sont les jugements qu’ils portent
Le stoïcisme, contrairement à ce que le mot stoïque laisse penser, ne consiste pas à éviter les émotions mais à les maîtriser. Le bonheur, quant à lui, est l’absence de troubles dans l’âme, dit aussi « ataraxie », et ne dépend que de nous. Nous avons tendance à nous apitoyer sur nous-mêmes de façon répétée ce qui engendre de la souffrance. Il faut observer de façon objective nos troubles, c’est-à-dire les voir tels qu’ils sont, en étant neutres.
« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses. […] Lorsque donc nous sommes traversés, troublés, chagrinés, ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-mêmes, c’est-à-dire à nos jugements propres. Accuser les autres de ses malheurs est le fait d’un ignorant ; s’en prendre à soi-même est le fait d’un homme qui commence à s’instruire ; n’en accuser ni un autre ni soi-même est le fait d’un homme parfaitement instruit » (3).
Nous sommes très influencés par les médias, qui nous désinforment en diffusant en permanence des informations sur le Coronavirus, parfois contradictoires entre elles, comme le montrent les scientifiques. Nous sommes aveuglés par les chiffres, alors qu’il n’y a pas plus de morts du coronavirus que de morts sous l’effet d’autres maladies chroniques.
Nous vivons dans une société matérialiste de surconsommation, de surproduction et de compétitivité, et lorsque les événements ne se passent pas comme nous le désirons, alors nous sommes malheureux. Le stoïcisme préconise de retourner à des choses simples, à un mode de vie plus modéré, et de percevoir et accepter que nous n’avons aucun contrôle sur ce qui ne dépend pas de nous.
« Ne demande pas que ce qui arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux. » (4)
Le stoïcisme peut être perçu comme une philosophie de résignation concernant ce qui nous arrive. Au contraire, c’est une philosophie d’action.
L’ataraxie stoïcienne passe par la pratique des vertus et la connaissance et l’application des lois de la nature.
La pratique des vertus
« Accommode-toi aux choses que t’assigna le sort ; et les hommes, que le destin te donna pour compagnons, aime-les, mais du fond du cœur. » (5)
Les vertus sont nombreuses, et l’amour en fait partie, comme le souligne Marc Aurèle. L’amour de ses proches et de son prochain. Pour les stoïciens, la bonté de l’homme fait partie des lois de la nature. Et il dépend de nous de les apprendre pour les connaître et les appliquer, conformément à la loi naturelle.
« Lorsqu’un homme a commis une faute contre toi, considère aussitôt quelle opinion il se fait du bien et du mal pour avoir commis cette faute. Lorsque tu le sauras, en effet, tu aurais pitié de lui, et tu n’éprouveras ni étonnement ni colère. Car, ou bien, toi aussi tu te fais la même opinion de lui sur le bien, ou une autre analogue, et il faut donc lui pardonner. Mais si tu ne partages plus ses opinions sur le bien et le mal, tu seras plus facilement bienveillant à celui qui les distingue mal. » (6)
L’amour est une vertu, mais il y en a d’autres : la tolérance (toujours avec discernement), la justice, l’humilité ou encore la générosité, comme l’évoque Sénèque dans son œuvre De la vie heureuse. Ne pas aimer son prochain est une maladie de l’âme. Tomber dans la misanthropie est chose facile, peut-être encore plus à notre époque, avec la pratique de la corruption, les crimes envers des personnes, l’intolérance face à certaines positions comme l’écologie…). Ce à quoi Marc Aurèle répond : « Prends garde de ne jamais avoir envers les misanthropes les sentiments qu’ont les misanthropes à l’égard des hommes. » (7)
Toujours dans l’ouvrage De la vie heureuse, Sénèque dit qu’il existe l’archétype du souverain bien en nous, expliquant qu’il est « une âme qui méprise le hasard et dont la vertu fait la joie ; ou bien c’est une invincible force d’âme connaissant les choses, calme dans l’action, pleine de bienveillance et d’attention dans ses rapports. » (8)
Nos instincts quant à eux ne doivent pas être refoulés mais éduqués. Ils ne doivent pas être cantonnés au simple hédonisme (9), mais orientés vers leur véritable nature, qui passe par la modération et les vertus.
« Quoi d’autre que d’honorer et de bénir les Dieux, de faire du bien aux hommes, de les supporter et de ne pas les prendre en aversion. » (10)
Nous vivons des moments difficiles, et même inédits. Certains peuvent même nous toucher de près ou de loin. Que pouvons-nous y faire ? Sur quoi pouvons-nous agir ?
Depuis plusieurs mois, pendant le confinement et ensuite après, des âmes dignes sont entrées sous les projecteurs. Pour exemple, prenons tous ces héros du quotidien (personnel médical, personnel de magasins, entreprises qui se sont reconverties pour assurer livraison de maques, fabrication de gel, le mouvement Pour Eux visant à nourrir les sans-abris, …) qui ont bravé le virus pour aider leurs prochains.
Même le virus qui a mis en arrêt la planète n’a pas pu arrêter la pratique de la bienveillance – et du courage – face aux circonstances dangereuses.
« Ai-je fait acte utile à la communauté ? Je me suis donc rendu service. Aie toujours et en toute occasion cette maxime à ta portée, et ne t’en dépossède jamais. » (11)
Le stoïcisme propose donc des solutions pour gérer l’instabilité, l’incertitude du monde d’aujourd’hui. En maîtrisant ce qui dépend de nous, nous devenons acteur de notre vie et de notre destinée. Nous ne sombrons pas dans l’état de victime et nous pouvons trouver des solutions créatives pour nous adapter aux circonstances. Une voie philosophique atemporelle qui reste d’actualité et efficace dans des temps troublés.