Le voyage du héros
Nous sommes tous le héros ou l’héroïne de nos propres vies. L’égoïsme naturel fait que nous nous sentons le personnage principal de l’existence, autour duquel tout tourne ; il fait de nous le centre de la fortune ou des infortunes. Et en réalité, nous sommes le centre de notre propre évolution ; chacun est responsable de ce qu’il fait de son existence, du cours qu’il donne aux événements qui le concernent (1).
Au cours de l’existence, les épreuves nous incitent à partir à la conquête de nous-même. Un voyage autant intérieur qu’extérieur dont l’issue est de devenir le héros de notre propre vie, un philosophe sur le chemin de l’évolution.
Devenir un héros répond à des exigences particulières : entreprendre un voyage au cours duquel se présentent des épreuves et convoquer les forces nécessaires en soi pour les dépasser.
Tous les héros sont de grands voyageurs
Certains effectuent de grands parcours intérieurs sans changer de lieu. D’autres parcourent de longs chemins pour arriver au but.
Voyager, c’est parcourir une voie. Et les héros doivent voyager pour conquérir leur condition de héros. Les voies peuvent paraître nombreuses et variées. Le but est toujours le même : la conquête intérieure à travers la victoire dans les épreuves ; l’empire sur soi-même pour servir les autres.
Lorsque le futur héros entreprend son premier voyage, il a devant lui tout le chemin et toutes les épreuves à découvrir. Il pressent que le sentier sera complexe, mais il ne le saura pas avec certitude tant qu’il ne vivra pas ses premières expériences.
Voyager n’est pas seulement disposer de bons moyens. Dans le cas de celui qui aspire à l’héroïcité, il ne suffit pas de posséder un bon char et de bons chevaux ou un navire agile et puissant ; même les trains, avions, bateaux et automobiles modernes ne sont pas suffisants. Le plus important est le voyageur. C’est lui, en réalité, qui se déplace.
Le voyageur doit agir avec tout son être dans chacun des pas qu’il fait. Il ne peut laisser sa mémoire ni ses sentiments prisonniers du passé, parce qu’alors, ses pieds resteraient immobiles. Il est le moyen de transport et celui qui est transporté.
Il doit reconnaître chaque tronçon du chemin et calculer les similitudes et les différences entre l’endroit où il se trouve et celui qu’il a quitté. Il pourra ainsi calculer chaque fois mieux les possibilités qu’il rencontrera à la prochaine étape.
Son voyage comporte des zones de repos, mais il ne se termine jamais. À chaque point où il s’arrête, il évalue ses expériences. Il examine les épreuves surmontées comme celles qu’il devra tenter à nouveau. Il refait ses possessions, récupère des énergies, retrouve la joie après avoir réduit les peines, et se lance à nouveau à la conquête.
Le héros se construit à travers son voyage
À mesure que passe le temps, l’aspirant a de plus en plus la taille d’un héros. Il a accru sa connaissance. Il distingue le chemin parcouru bien qu’il ne se préoccupe guère de celui qui reste encore. Ce qui est valable est ce qui a été fait, parce que c’est là que résident ses mérites. Les distances sont grandes mais pas infinies ; l’horizon est vaste mais pas diffus. Les épreuves sont difficiles mais il compte des succès qui l’aideront à éviter les nouvelles difficultés avec une habileté plus grande.
Il est désormais un voyageur et pas seulement un aventurier.
Il sait désormais ce qu’est voyager bien qu’il n’ait pas achevé le parcours.
Le héros a des buts, cela est clair, mais il marche sur une voie ascendante en forme d’escalier. La fin de l’escalier se présente ; cependant, ce qu’il regarde à tout moment est l’échelon suivant. Il pressent que la dernière marche arrive au Ciel — le Ciel de chacun dans sa propre dimension — cependant ce n’est pas le Ciel qui l’inquiète, mais la façon d’y arriver sans perdre le terrain gagné, sans retomber en arrière. Dans son voyage, il connaît des terres différentes de celles qui l’ont vu naître, des paysages insoupçonnés mais tous en viennent à faire partie de son monde. Il est victime d’incidents et d’impondérables, mais tous lui fournissent de nouvelles armes. Il rencontre des personnes qu’il en viendra à aimer ou à haïr, mais toutes sont des modèles d’apprentissage. Il est parfois bien reçu, parfois repoussé, mais dans l’un et l’autre cas, il comprend que le secret réside dans le fait de poursuivre son chemin.
Convoquer le héros en soi
Si la voix du héros résonne dans un coin de ton cœur, tu sauras que ce voyage est inévitable. Que toute personne qui prétend arriver au but doit se déplacer jusqu’à lui. Que le Ciel se conquiert en arrachant ses pieds à la terre. Que le chemin peut paraître difficile et épuisant, mais que néanmoins, plus tu avances, plus nombreuses sont les forces qui surgissent à l’intérieur de toi, moins nombreuses les ombres qui retardent ta marche, et plus la fatigue est remplacée par l’enthousiasme.
Nous portons tous à l’intérieur un héros plus ou moins éveillé. Nous pouvons tous entendre son appel. Nous tous qui cherchons la connaissance par amour de la Sagesse, savons que, presque sans nous en rendre compte, nous nous sommes engagés sur un chemin.
Ne t’arrête pas. Tu es dans la plus merveilleuse des voies. Être philosophe, c’est être un héros (2).
(1) Extrait d’un texte de Délia Steinberg Guzman paru en janvier 2002, L’héroïsme, 4e paragraphe de la partie intitulée Pouvons-nous être des héros ?
(2) Extrait d’un texte de Délia Steinberg Guzman paru en juillet 2002, Le héros et le voyage
par Délia STEINBERG GUZMAN
Traduit de l’espagnol par M.F. Touret
N.D.L.R. : Le chapeau et les intertitres ont été rajoutés par la rédaction
Paru
Hors-série N° 8 Revue Acropolis, septembre 2018, 6,50 €
Éduquer à la Transition
Revue Acropolis, 2018, 6,50 €
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