L’éducation aujourd’hui, où est le piège ?
Notre précédent article, Pour qu’émerge l’humain, tentait d’apporter des éléments pour une éducation positive. Celui-ci met en garde contre une éducation qui refuserait tous les risques.
Si vous ne voulez pas faire de vos enfants des adultes sains, actifs, audacieux, inventifs, tolérants, généreux, joyeux, bref des êtres normaux, voici exactement ce qu’il faut faire :
L’enfer est pavé…
Comme tous les parents ou presque, M. et Mme Dupont adorent leurs enfants. Ils sont prêts à se saigner aux quatre veines s’il le faut pour leur donner le maximum de chances et leur assurer un avenir de bonheur et de prospérité.
Aussi apportent-ils tous leurs soins à assurer le bien-être de leurs enfants, qui comporte deux volets, essentiels l’un et l’autre, la sécurité et le confort.
C’est ainsi que, pour éviter tout risque d’accident ou de maladie, ils n’ont le droit ni de grimper aux arbres, ni d’escalader les rochers, ni de patauger dans l’eau, ni de s’éloigner de papa et maman.
Leur placard est plein de vêtements à peine portés, de jouets qu’ils ne dérangent jamais et de jeux éducatifs. Le mercredi, ils vont à la musique, au judo ou au dessin où leur maman, très fatiguée, les conduit en voiture. Ils lisent des livres écrits pour leur âge et regardent dans le dictionnaire les mots qu’ils ne connaissent pas. Ils n’ont jamais un moment à eux, ce qui leur évite de traîner et de prendre de mauvaises habitudes.
Dès tout petits, on les installe devant la télé où ils regardent, fascinés, des émissions conçues pour eux. Dès qu’ils sont en âge de tenir entre leurs mains un téléphone portable, ils jouent aux jeux programmés pour eux. En grandissant, ils passent de plus en plus de temps devant la télé ou sur leurs consoles de jeux et leurs ordinateurs ou tablettes….
Ils n’ont le droit de fréquenter que les petits camarades agréés par leur maman. Ils n’ont pas le droit de dire de gros mots, ni de se battre, ni de jouer au docteur, ni d’abîmer leur appareil dentaire et la jolie veste très chère que Grand-maman leur a offerte pour leur anniversaire.
Quand ils ont mal quelque part, on leur donne vite un médicament parfumé à la fraise contre la douleur et des bonbons. Quand Papi était malade, ils ne sont pas allés le voir parce que cela aurait pu les impressionner. Ils n’ont pas non plus assisté à son enterrement car cela aurait pu les attrister.
… de bonnes intentions !
On satisfait leurs besoins, non seulement avant qu’ils les formulent mais avant qu’ils les ressentent.
Ils croient au Père Noël mais on leur a dit que les sorcières n’existent pas.
Ils mangent des esquimaux en regardant à la télévision les petits enfants des pays pauvres.
Ils ne font jamais leurs devoirs tout seuls et travaillent très bien à l’école pour, quand ils seront grands, avoir des diplômes très difficiles à obtenir qui leur permettront de garder toute leur vie un métier qui rapporte beaucoup d’argent. Car un avenir épouvantable, fait de chômage, de misères et de toutes sortes de choses très tristes et très dangereuses, attend les mauvais élèves. Et ceux qui réussissent quand même à s’en sortir sont des exceptions qui ne devraient pas exister.
Ils font parfois des cauchemars, pleurent souvent et s’ennuient presque toujours. Ils vont chez une psychologue chaque semaine et chez le médecin tous les mois.
- et Mme Dupont ne comprennent pas où est le problème.
- et Mme Dupont ont-ils tort de donner à leurs enfants pareille éducation, qui condamne celui qui en est victime à une vie morne et stérile, indigne d’un être humain ?
Au nom de quoi celui qui n’a pas foi en des valeurs qui le dépassent, en des valeurs qu’il veut vivre et faire vivre autour de lui, mettrait-il en danger son propre confort et sa molle quiétude intérieure en donnant à ses enfants une éducation exigeante, hardie et dérangeante ?