« Les Aventures de Pinocchio » un récit alchimique de transformation de soi
« Les Aventures de Pinocchio » est un conte italien pour enfants, écrit par Carlos Lorenzini. Au-delà de la simple histoire, ce conte contient des clés alchimiques et hermétiques intéressantes pour la transformation de soi.
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Les Aventures de Pinocchio est un roman du XIXe siècle écrit par Carlo Lorenzini (pseudonyme C. Collodi). Il est devenu le livre italien le plus traduit de tous les temps (dans pas moins de 260 langues).
Il raconte l’histoire d’une marionnette qui veut devenir un vrai petit garçon. L’histoire commence avec Mastro Ciliegia (Maître Cerisier) et son morceau de bois brut. Pas un morceau de bois ordinaire, mais animé et plein de potentiel de vie. Très vite, le morceau de bois finira dans les mains de Geppetto, un charpentier qui a déjà envisagé son destin. Il en fera une marionnette.
Gepetto et Pinocchio, une vie en symbiose
C’est ainsi qu’est né Pinocchio, une marionnette de bonne morale, mais pas entièrement achevée, et donc susceptible de se laisser détourner par les attraits de la vie profane. À partir de ce moment où le créateur s’identifie à son œuvre, Geppetto et sa créature vont presque vivre en symbiose. Ils souffrent de la souffrance de l’autre, se réjouissent des espoirs de l’autre et font face aux mêmes épreuves, bien que de manières différentes et dans des lieux différents.
Dès que la marionnette est achevée et que Geppetto lui apprend à marcher, Pinocchio s’enfuit en courant dans la ville. À partir de ce moment-là, Pinocchio, ainsi que Geppetto, vont vivre de nombreuses aventures jusqu’à ce que Pinocchio se transforme finalement en un véritable petit garçon. Une histoire pleine de rebondissements, de personnages symboliques et d’enseignements qui vont au-delà de la morale et de la pédagogie d’un simple conte pour enfants conventionnel. Ils nous conduisent à cheminer à travers un voyage initiatique qui aboutira à la réalisation de soi.
Je me propose maintenant d’apporter quelques clés d’interprétation (1) basées principalement sur la tradition hermétique et alchimique, la transmutation du plomb en or, d’une marionnette en bois en un être humain.
Les symboles ésotériques ou hermétiques
- Maître Ciliegia (Cerise) : le vrai donneur de vie. Le père naturel de Pinocchio et le père spirituel de Geppetto.
- Pinocchio, la marionnette : son nom est dérivé de la langue toscane et signifie pignon de pin, la graine comestible que l’on trouve dans les pommes de pin. Diverses allusions ésotériques se trouvent cachées dans cette appellation : le pin comme symbole de l’immortalité, la glande pinéale (ou troisième œil), la pomme de pin couronnant les deux serpents entrelacés dans le caducée d’Hermès.
- Le nez qui s’allonge de Pinocchio représente sa libido et est probablement lié à la maîtrise de la force de Kundalini.
- Les marionnettes et le théâtre de marionnettes : le monde où les êtres humains sont considérés comme des marionnettes est une métaphore de l’esclavage intérieur de l’homme (voir le Mythe de la Caverne de Platon). La conception de l’être humain comme marionnette manipulée par des ficelles tirées par un être caché qui écrit le scénario de la vie, remonte aux Upanishad. Dans le Mahabharata, l’analogie consiste en la référence au bois comme matière première dont le monde est fait ; ainsi, le créateur (le Démiurge) est un charpentier.
Dès que la marionnette Pinocchio peut bouger, il se rend compte qu’il est tiraillé et dominé par ses passions, ses instincts et ses désirs. Il commence à ressentir la faim, la soif, le froid. Il ne veut pas faire ce qui ne lui plaît pas, etc. C’est dans le théâtre de marionnettes que Pinocchio se rend compte pour la première fois de sa condition existentielle de marionnette ! - Le Bestiaire : les différents animaux apparaissant au cours de l’histoire sont les aspects instinctifs de la nature de Pinocchio. Ils peuvent également être considérés comme des aspects de la « nature intelligente » de l’homme, donc comme « alliés » tout au long du voyage.
Le grillon parlant est, dans une certaine clé, la voix de la conscience. À un autre niveau, c’est la personnification des normes qui nous guident vers un comportement socialement acceptable, mais spirituellement stérile. En fait, le début de l’histoire montre clairement un Pinocchio rebelle, qui veut se libérer des conventions sociales et des codes moraux. - Le chat et le renard : ce sont les masques ou les aspects de la personnalité de Pinocchio. Comme « les assassins », ce sont des forces qui tentent de détourner Pinocchio du droit chemin (voir le début du roman de Dante, La Divine Comédie). Dans leur rôle positif, ce sont les initiateurs qui poussent Pinocchio à surmonter sa peur et à dépasser ses limites. Par exemple, ils le conduisent à travers la forêt sombre vers sa première épreuve initiatique.
- L’âne : élément le plus basique et le plus instinctif dans l’être humain, il incarne l’inertie et la lourdeur de la matière inhérente à la condition humaine ; ce qui entrave et limite la possibilité de l’être humain de réaliser ses aspirations supérieures. En tant que symbole saturnien, il représente également les moyens que Pinocchio doit développer, les vertus d’obéissance, d’’humilité et de patience.
- Mangiafuoco : Dans une clé d’interprétation, son image terrifiante est la personnification de la peur, le gardien du seuil qui barre la route au voyageur spirituel. Dans une autre clé, il est « l’éveilleur », un être de feu et de lumière, personnification de la volonté. Et c’est face à Mangiafuoco que Pinocchio accomplit son premier acte de volonté en offrant de s’immoler dans le feu sacré. Grâce à cet acte désintéressé, il est récompensé par cinq pièces d’or (métaphores de l’or ou du feu intérieur).
- La Maison blanche, la ville des imbéciles, le pays des jouets, l’île des abeilles laborieuses, etc. Tous ces lieux métaphoriques font partie du paysage intérieur de Pinocchio, l’alchimiste.
- Le requin géant : Cette image est en rapport avec la dernière épreuve initiatique de Pinocchio dans le monde d’en- bas (dans les profondeurs de la mer). Être avalé par le requin signifie entrer en contact avec ces dimensions de soi qui ont été occultées ou oubliées. Il s’agit de conquérir la dimension de l’inconscient. Le ventre sombre du requin symbolise aussi la dimension onirique et mythologique, le lieu originel de chacun, où la perception de son Moi véritable peut être entrevue. Il est intéressant de noter que c’est là où Pinocchio retrouve son père Geppetto.
- La fée aux cheveux Turquoise : un élément magique qui symbolise les différentes facettes de l’âme de Pinocchio dans ses phases de croissance : petite fille, sœur, dame, chevreau, et épouse céleste. À la fin de l’histoire, c’est grâce à son baiser que Pinocchio meurt à son état de marionnette.
Les symboles alchimiques
- Geppetto : un aspect de Pinocchio comme alchimiste et artifex (créateur de Lui-même, de son vrai Moi). Geppetto est aussi le père, le vieux roi, la personnification de la Tradition alchimique à travers la figure d’Hermès Trismégiste.
- Le morceau de bois brut : la prima materia, l’indispensable matière première nécessaire à l’obtention de la Magnum Opus (le Grand Œuvre alchimique de la transformation intérieure) ; la pierre de taille dans la tradition de la Franc-maçonnerie.
- Le livre d’orthographe : l’alphabet de travail de l’alchimiste qui n’est que lettre morte s’il n’est pas mis en pratique.
- Pinocchio pendu à un chêne géant : C’est la première condamnation à mort de Pinocchio, sur un plan alchimique : c’est un saut dans l’abîme, le début de l’œuvre au noir. L’acte de la pendaison transforme Pinocchio en un être différent, en le reconnectant à la racine de sa vie, le grand chêne, qui le soulève du sol (du plan matériel) ; image qui rappelle celle du pendu dans les lames du tarot. Ce n’est que par un changement radical de vision et un renoncement total à une façon d’être obsolète que l’on peut s’auto-transformer.
- Le champ des miracles : le terreau alchimique fertile au sein de l’alchimiste même permettant l’accomplissement de la Grande Œuvre.
- Solve et Coagula : cette formule hermétique est à la base de l’œuvre alchimique.
Ce qui est brut doit être rendu plus subtil et ce qui est volatile doit être fixé. En bref, chaque élément impliqué dans la transformation doit être continuellement purifié afin d’acquérir des qualités plus grandes et plus nobles. Au fil de l’histoire, nous trouvons diverses images faisant référence à ces purifications alchimiques : Pinocchio et Mangiafuoco au théâtre de marionnettes, Pinocchio pendu à un arbre, le feu brûlant les pieds de Pinocchio ; les pics qui se posent sur le nez allongé de Pinocchio et commencent à le grignoter ; les poissons qui lui ôtent la peau, l’âne, etc. Toutes ces étapes de purification sont en relation avec l’un des quatre éléments (Feu, Eau, Air, Terre). - L’enfant Pinocchio : le résultat et l’aboutissement du Grand Œuvre alchimique, la Pierre philosophale, l’or du philosophe. Les derniers mots de l’histoire soulignent l’idée qu’il ne s’agissait pas simplement d’une transformation, mais d’une transmutation, la « création » d’un « nouvel être » achevé. Lorsque Pinocchio demande à Geppeto : « mais où est donc caché le vieux Pinocchio en bois ? » « Le voilà », répondit Geppetto, montrant du doigt une grande marionnette posée sur une chaise, la tête pendant d’un côté, les bras ballants, et les jambes si tordues que c’était vraiment miraculeux qu’elle tienne encore debout. Pinocchio se retourna et après l’avoir regardée brièvement, se dit complaisamment : « Comme j’étais ridicule quand j’étais une marionnette ! » (2).