Malades de peur
L’auteur s’interroge sur la peur qui atteint l’homme et sur ses terribles conséquences. La philosophie serait-elle le moyen d’éradiquer la peur ?
Nous l’avons dit à plusieurs reprises et il n’est pas superflu de le répéter : l’homme est malade de peur et les conséquences de cette maladie se manifestent à travers de nouvelles et pires affections qui apparaissent jour après jour.
La peur est pareille à de terribles griffes qui se referment sur les pensées, les sentiments et la volonté, ôtant à l’être humain toute possibilité d’action intelligente. L’activité vitale se réduit à se défendre, à échapper à tout, à fuir les responsabilités, à éviter les définitions, à se cacher pour «ne pas attirer l’attention» ; le gris et l’opaque sont ce qu’on apprécie le plus aujourd’hui, et telles sont précisément les caractéristiques de la peur, également opaque et grise.
Il apparaît dans ces circonstances une modalité particulière : celle de «l’anti», de celui qui s’oppose à tout dans la mesure où cela entraîne la moindre détermination personnelle. Tout est «mauvais», car les défauts sont ce qu’on met en évidence en premier, alors que la peur croissante fait perdre toute opportunité de reconnaître des vertus.
Être contre tout
Être contre tout – ce qui revient à n’être en faveur de rien – est la nouvelle expression pathologique dérivée de la peur. La seule chose qu’on retient comme bon est son propre bénéfice, sa propre survie, même si pour cela il faut détruire tout le reste, ce qui découle immédiatement du fait d’être contre tout le reste. Il s’agit, bien évidemment, d’une forme aberrante d’égoïsme, dans lequel le «moi» s’auto-affirme dans la mesure où il déprécie tout ce qui est autour. Il ne s’agit pas de s’élever chacun dans ce qui lui est propre mais de dégrader ce qui est autour pour que se détache sa propre stature… Il n’est pas question de dépasser les maux qui affectent le monde mais, par peur, on nie et on dénigre, tout en se cachant la tête sous l’aile de l’inaction.
Éradiquer la peur
Le philosophe doit éradiquer la peur et, avec elle, toutes ses séquelles. Il doit apprendre à distinguer le bon du mauvais, il doit soutenir ses idées et les différencier de celles qui leur sont opposées mais toujours avec la volonté et l’action en jeu. Il ne peut être simplement «anti» ; il faut d’abord avoir des idéaux solides et authentiques pour pouvoir s’opposer à autre chose. Avant de rejeter, il faut accepter ; avant de nier, il faut savoir.
Le philosophe peut trouver des erreurs et découvrir des défauts dans les différents aspects de la vie ; cependant, il ne se contente pas de les signaler ou de les craindre mais il travaille avec ardeur pour améliorer tout ce qui est entre ses mains, en commençant naturellement par lui-même. Le philosophe constate également qu’outre le mal, le bon et le positif existent toujours, simplement ils sont parfois endormis ou enterrés sous les vagues de peur et d’inertie. Les vertus, comme toute bonne plante, doivent être soignées et cultivées jusqu’à atteindre leur plus grand développement.
Le philosophe ne va pas contre la vie mais en sa faveur, il accepte ceux de ses courants qui sont traîtres et s’efforce d’arriver à une clarté idéologique qui lui permette d’évoluer dans le monde. Les «anti-tout» finiront pas nous rendre «anti-hommes» et le philosophe valorise la condition humaine comme facteur indispensable pour constituer le monde le nouveau et meilleur auquel nous aspirons tant.
Par Délia STEINBERG GUZMAN
Présidente internationale de l’association Nouvelle Acropole
Traduit de l’espagnol par Marie-Françoise Touret
N.D.L.R. Le chapeau et les intertitres ont été rajoutés par la rédaction