Notre peur la plus profonde
Qu’est-ce que la peur ? Elle se manifeste de différentes façons et annonce une étape à passer vers un changement. Comment y faire face ?
Nous avons peur, et comme nous le scandait à une époque le Pape Jean-Paul II : « N’ayez pas peur ».
La peur est une vieille compagne. Pour chaque être humain, elle est différente et semblable à la fois. Elle a une intensité plus ou moins grande, mais elle est toujours là. Certains ont philosophé sur la peur qui rassemblerait toutes les autres ou serait à leur origine : la peur de mourir. Comme l’incontournable face à la vie. Est-ce que la peur serait un lien entre vie et mort ? Est-ce qu’elle serait l’ombre de la mort dans le déroulé de nos vies ? Quel sens pourrait-elle avoir hormis de nous faire peur ?
Sans doute annonce t-elle un changement possible, un sursaut à faire, une occasion de sortir de ses habitudes, de se plonger au-delà des incertitudes, dans la nouveauté, dans de nouveaux comportements plus adaptés. C’est pour cela qu’il est naturel d’avoir peur, et de ne pas craindre ses propres peurs, qui sont toujours les annonciatrices d’une nouvelle étape à passer. La peur ravive notre vigilance.
Elle devient dangereuse quand on se met en panique, en relation de peur de sa propre peur. Ne jugeant plus de la situation avec objectivité, l’être en panique ne s’appartient plus. La peur a pris sa place. Je me souviens d’un vieil enseignement apporté par Délia Steinberg Guzman. Il nous fallait faire l’apprentissage de prendre sa peur par la main. En effet, quand la peur est entrée en nous, il nous est ô combien difficile de la détrôner. Elle envahit notre centre vital, altère notre respiration, monte notre centre de gravité jusqu’à la gorge et nous fait perdre nos moyens. Or « la prendre par la main », nous permet de la conduire déjà en dehors de son propre espace vital. Cela l’arrache à nous-même, et sans la négliger, la conduit à côté de nos pas, pour avancer ensemble, sans entraver notre marche déterminée à vaincre. Petit à petit, elle deviendra moins prégnante, moins mobilisatrice, elle suivra le sens de la marche qu’on se donne, et la conscience qui est en nous reprendra le dessus, pour redevenir « capitaine de mon âme, maître de mon destin », comme le proclamait l’écrivain William Ernest Henley.
Nos peurs naissent du mental, qui se fait une représentation particulière des circonstances extérieures qui le touchent. Ce sont des émotions dites négatives, dans le sens du potentiel de transformation qu’elles contiennent, le courage en étant une de leurs expressions. Car le courage n’est pas absence de peur mais maîtrise de la peur. Souvent, elles nous envahissent dans une grande émotion diffuse. Sortir de ce magma indifférencié est une première étape. Il nous faut apprendre à nommer nos peurs et apprendre à les regarder en face. Elles se refroidiront d’elles-mêmes, par le seul regard que l’on portera courageusement à leur attention. Pouvoir se poser, s’arrêter, respirer, diriger son regard vers soi, et non plus vers l’objet extérieur de nos peurs, les affronter et du coup s’affronter.
Le 10 mai 1994, Nelson Mandela (1) héros national de la lutte contre l’apartheid et premier président noir de l’histoire de l’Afrique du Sud, prononçait son discours d’investiture historique devant 60.000 personnes.
[… ] « Le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent », annonçait-il.Et de poursuivre : « Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toutes limites. C’est notre propre lumière et non notre obscurité qui nous effraie le plus ».
Serait-ce donc notre propre puissance qui nous ferait peur ? et que nous préférions à ce point notre médiocrité plus facile à dompter que la toute-puissance qui nous anime ? Oui, se libérer de nos peurs nous engage davantage dans un futur responsable.
[… ] « Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire du divin qui est en nous. Elle ne se trouve pas seulement chez quelques élus, elle est en chacun de nous. Et, au fur et à mesure que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même. En nous libérant de notre propre peur, notre puissance libère automatiquement les autres ».
La libération de la peur serait aussi « contagieuse » que la pollution des peurs non maîtrisées.
Alors choisissons la contagion positive. Celle qui nous permet de grandir en assumant d’être grand. Et comme le dit Jorge Angel Livraga : « Chacun d’entre nous est plus fort qu’il ne le croit ».
Exercice philosophique N°1 : Affronte tes peurs
Quelles sont mes plus grandes peurs ? En lister une dizaine comme elles nous viennent…
Les numéroter de la plus facile à vaincre à la plus difficile.
En choisir une ou deux (des plus faciles) et se demander : Quelles actions je mets en place dans la semaine pour les affronter ?
Exercice philosophique N°2 : Regarde tes peurs en face
Regarde tes peurs en face. Quelle vertu nommes-tu en face d’elles ?
D’abord, il faut accepter de nommer ses peurs et de les discerner clairement.
Les connaître nous fait sortir d’une zone de flou qui est essentiellement affective dans sa relation à sa peur. Les nommer, c’est les regarder froidement en y mettant du mental.
En les regardant, elle se dissoudront, et face à elles se lèveront une vertu pour chacune. Les nommer également, pour qu’elles se lèvent vraiment comme une force intérieure, stable et fiable.
Exercice philosophique N°3 : Se donner un défi
Se remémorer un défi que j’ai déjà réussi et dont je suis fier.
Quelles forces ou vertus ai-je utilisées pour réussir ce défi ?
Qu’ai-je observé sur moi-même lors de ce défi ?
Quel défi vous donnez-vous pour la semaine à venir ?
Écoute musicale associée :
Hector Berlioz, Harold en Italie op. 16. Les 5 premières minutes.
https://www.youtube.com/watch?v=CWzyz0nnak0&list=PLMa9fop-H27sCxXtmLGChHwREv9n_omrI