Rencontre avec Luc Bigé, « Jung, Portrait céleste »
Dans cet ouvrage très original (1) Luc Bigé (2) met à nu la riche dynamique du thème astrologique de C.G. Jung ainsi que la présentation de ses principaux concepts à la lumière de l’astrologie.
Nous présentons une version courte de l’entretien dans la revue, plus accessible à tous et une version longue sur notre site où on trouvera davantage d’explications astrologiques sur son thème.
Acropolis : Pourquoi cet ouvrage ? Quel est votre intérêt pour Carl G. Jung ?
Luc BIGÉ : D’une part, je souhaite présenter une analyse astrologique de Carl G. Jung plus approfondie à partir de plusieurs ouvrages qui existent sur sa vie. Et d’autre part, parce que c’est un auteur très utile en astrologie, car plusieurs astrologues utilisent des concepts junguiens pour interpréter le thème dans le cadre d’une démarche thérapeutique. Donc, j’ai voulu relier les deux en m’interrogeant sur son thème. C’est à la fois un travail d’interprétation et l’opportunité de mettre en avant ses pratiques par rapport à la lecture du thème astrologique.
A : Au début du livre, vous expliquez la vision ternaire de l’être humain à partir de la conception grecque et comment les différentes civilisations vont privilégier davantage un aspect ou un autre.
L.B. : C’est une tentative, parce que j’ai aussi beaucoup réfléchi à l’Astrologie mondiale et à la manière dont l’Âme du Monde s’incarne dans l’humanité pour produire l’histoire et c’est vrai que chacune des grandes parties du monde, Occident, Moyen-Orient et Extrême-Orient n’ont pas le même rapport au monde.
Si on fait une analogie avec le corps humain, on peut effectivement voir que l’Extrême-Orient s’inspire du Tao Te King, de Lao Tsé qui est en contact direct avec l’essence du vivant et de Confucius. Dans ce monde extrême oriental, dont la Chine essentiellement, on peut voir que les gens marchent mettant en avant leur hara, l’espace de l’énergie vitale. En Chine, on ne demande pas comment ça va mais si l’énergie est bonne ou pas bonne. Donc, toute cette partie du monde résonne avec Pluton, avec l’énergie vitale et l’importance du souffle, et résonne avec l’ancrage, la connexion avec les énergies de la Terre.
Au Moyen-Orient, on est plus sur la thématique du cœur. Si en Extrême-Orient on se fait harakiri pour se suicider, au Moyen Orient, on se poignarde le cœur. Le cœur est l’espace de la concorde, de l’intelligence du cœur, du dialogue, des négociations permanentes, du fait de ne jamais vouloir blesser personne ; on est toujours dans une sorte de discussion pour faire avancer les choses. On résonne avec Neptune, le sentiment universel, la compassion.
En Occident quand on signe un contrat, on pense que c’est pour l’éternité, au Moyen Orient, on considère que c’est le début pour de nouvelles négociations. C’est une dimension cardiaque qui se retrouve dans le christianisme qui est une religion d’origine moyen orientale.
En Occident, on a surtout développé la tête. Descartes avec le « je pense, donc je suis », ce qui est le fondement de toute notre vision philosophique, même erronée. Et pour se suicider, on se pend, on sépare la tête du corps. On a inventé la guillotine et on a aussi l’image du Penseur de Rodin. On résonne avec Uranus, le Mental universel, on développe la discrimination.
Ces différences symboliques sont magnifiées dans les différentes cultures et donc ce ternaire ventre, cœur et tête se retrouve aussi dans une géographie collective de l’humanité qui est l’Extrême Orient, le Moyen Orient et l’Occident.
A. : Vous présentez l’approche de différents courants psychanalytiques, à partir de Freud pour arriver jusqu’à Stanislas Grof (3) et autres en signalant qu’il y aurait une correspondance dans leur approche de la discipline et des caractéristiques de leurs thèmes astrologiques.
L.B. : On prétend être objectif, mais comme le rappelait judicieusement Habermas (4), l’objectivité est en fait une intersubjectivité. C’est le fait que tout le monde soit d’accord sur certaines choses qui les rend objectives. Notre manière de vivre et notre œuvre est la projection à l’extérieur de notre thème astrologique, donc de notre nature profonde. Du coup, on ne peut jamais dire : « Freud a raison, Jung a raison, Adler a raison ou Reich a raison… » On peut simplement dire que leur manière d’aborder le champ de la psychologie correspond à leur manière d’être et aux lunettes qu’ils portent pour explorer le monde. Si on regarde le thème de Freud, Scorpion ascendant Taureau, il mettra l’accent sur le matérialisme et la sexualité. Jung est Lion ascendant Capricorne, il mettra donc l’accent sur le principe d’individuation qui est la fonction du Lion, affirmer le moi sur le plan socioculturel et la présence du Soi sur le plan spirituel qui est le processus d’individuation. Reich qui a travaillé sur la relation au pouvoir était Bélier et Adler qui a mis l’accent sur le sentiment d’infériorité pendant l’enfance était ascendant Cancer avec Soleil en Verseau et Uranus conjoint à l’Ascendant. Cet Uranus mettra en lumière le champ de la psyché mais ce qui va lui intéresser sera tout le problème de l’enfance en rapport avec la culpabilité. Chacun des initiateurs de la psychanalyse a fondé une École et des manières d’aborder la psychologie qui correspondent à ce que chacun est profondément et qui est révélé par son thème astrologique.
A. : Vous faites une très intéressante relation entre les concepts jungiens et quelques clés astrologiques, comme par exemple, en parlant sur l’intégration de la personnalité
L.B. : L’intégration de l’inconscient pour développer le processus de l’individuation se fait à travers les rêves, l’ouverture inconditionnelle à l’inconscient et autres. Au niveau astrologique, il y a quatre éléments : Feu, Air, Eau, Terre qui correspondent aux quatre fonctions jungiennes : le Feu à l’Intuition, l’Air à la Pensée, l’Eau aux Sentiments et la Terre à la Sensation. Jung considère qu’une personnalité est équilibrée lorsque les quatre fonctions sont harmonisées, tout en sachant qu’il y a une fonction inférieure et une fonction dominante. On peut identifier cela dans le thème astrologique : si on a une accentuation de l’élément Feu, on sera tourné vers le champ de l’Intuition et la fonction inférieure sera la Sensation. Il faudra donc y porter attention pour aller vers l’harmonisation de quatre fonctions.
A. : Pouvez-vous en dire plus sur le thème de l’ombre ?
L.B. : L’ombre est ce que le Sur-moi saturnien filtre pour ne pas perturber l’équilibre de la conscience. Mais en même temps, l’ombre est toujours une ressource, une qualité psychique en sommeil et qui apparaît sous une forme archaïque et primitive parce que la conscience ne l’a jamais interrogée.
Dans le thème astrologique, on a des lieux de souffrance qui sont en relation avec l’ombre.
D’une part la rétrogradation des planètes qui demande que la conscience se retourne vers l’intérieur, aille à la pêche et mette en lumière, donc en conscience, une nouvelle manière d’aimer avec Venus ; une nouvelle manière de penser avec Mercure ; une nouvelle manière de s’intégrer socialement avec Jupiter, etc. Donc, celui qui va chercher la profondeur de ces planètes rétrogrades devient un prophète pour le nouveau monde. Avec les planètes rétrogrades, on se sent marginal dans le monde ordinaire et on est tellement tourné vers sa vie intérieure que l’on apparaît comme maladroit et mal intégré.
Si on essaie de faire comme tout le monde, on va souffrir, mais si on s’occupe de ses planètes rétrogrades, on a confiance dans le trouble qui nous habite, alors on devient porteur de nouvelles manières de comprendre, d’aimer, de voir, etc., suivant la nature de la planète et on pourra ensemencer le monde ordinaire d’un rayon de nouveauté.
A. : Que pouvez-vous dire de certaines planètes comme Saturne et Pluton dans le thème de Jung ?
L.B. : Saturne rétrograde se pose souvent en termes de culpabilité. Jung avait Saturne rétrograde à l’ascendant Capricorne. Saturne est admiratif du père et de toutes les personnes qui représentent la loi, mais Saturne rétrograde indique une absence de l’image père dans la vie de la personne. Jung disait : « mon père était à la fois admirable et incapable ». Admirable, par Saturne et Capricorne, et incapable, parce que Saturne rétrograde.
Saturne est spécial parce que c’est une planète identitaire avec la Lune et Pluton. On a trois noms.
Le prénom c’est la Lune, comment on nous appelle dans notre enfance et dans l’intimité, comment on se réfère à quelqu’un de sensible ou émotif.
Le nom c’est Saturne, notre fonction sociale, dans une réunion officielle on s’identifiera avec son nom et pas par son prénom.
Le nom initiatique est lié à Pluton, ce qui vient des profondeurs de soi et révèle la présence de notre énergie vitale, ce qui vit à l’intérieur de l’être.
Saturne rétrograde est ce qu’a fait Jung en révélant le nouvel homme à partir du vieil homme, changer de peau, se dévêtir de sa persona, de son adaptation au monde pour s’habiller de la lumière du Soi.
Le deuxième facteur est la Lune noire corrigée (5) que l’on nomme Lilith, l’endroit de culpabilité de l’ombre. Cela se présente dans le thème comme un vortex d’énergie dans lequel on peut s’engouffrer sans prendre tellement conscience, c’est plutôt une espèce de noyade. Lilith ce sont toutes nos mémoires de souffrances cumulées d’incarnation en incarnation et qu’on n’a pas nettoyé, c’est le grand poids karmique qui fait qu’on perd la lumière de la conscience.
Le troisième point est Pluton, la volonté de pouvoir mais si cette expression du pouvoir n’est pas juste, cela peut s’exprimer soit sous la forme d’une inhibition ou d’un blocage psychique soit sous la forme d’évènements qui nous empêchent de nous mettre en avant et d’obtenir ce que l’on veut. Le pouvoir est l’énergie la plus difficile à manier car pour le faire, il faut remettre son pouvoir au vrai Pouvoir.
Pluton est l’ombre du collectif. C’est Saturne/Pluton en conjonction Capricorne avec la pandémie de la COVID-19 en 2020 et donc cette atmosphère de peur, de délation, de méfiance. On avait la même chose avec la conjonction Saturne/Pluton en Balance en 1982 avec l’épidémie du Sida. En 1948, séparation de deux blocs, Est/Ouest et maccarthisme aux États-Unis, facteurs de peurs collectives terrifiantes. En 1914, ce qui a généré les deux guerres mondiales, mais qui est basé sur le fait que tout le monde se méfiait de tout le monde.
Pluton est l’espace où l’on est confronté à l’ombre. Jung avait un carré Saturne/Pluton. Il était donc obligé dans sa personnalité d’intégrer l’ombre. Le thème avec Saturne rétrograde dit : « Je suis amené dans ma vie à changer le vieil homme en nouvel homme en intégrant les forces du mal ». Le Curé d’Ars (6) avait la même configuration et lui aussi s’est confronté au diable. Pluton est le dieu des Enfers, donc il est bien relié aux puissances des ténèbres.
A. : Pouvez-vous nous expliquer le rôle d’Uranus dans le processus d’individuation ?
L.B. : Uranus est l’archétype qui concerne le grand message de la liberté et du sens de l’humour. Parce que cela est la capacité de la conscience de se détacher de ce à quoi elle est attachée. La conscience se colle à tout ce qu’elle touche et après dit : « Ceci est la vérité ». Le processus d’individuation consiste à développer des techniques, cela peut être la méditation, le travail sur le rêve éveillé comme l’a fait Jung, pour parvenir à voir. Voir les contenus de l’inconscient, les laisser émerger, nourrir le conscient, élargir la conscience du conscient. L’inconscient n’étant pas inconscient mais un champ psychique dont nous n’avons pas conscience mais qui a, lui, une forme de conscience. Sinon les rêves ne seraient pas si intelligents, parfois ils sont plus intelligents que nous.
Donc, Uranus est juste après Saturne dans l’ordre astronomique. Saturne c’est le sur-moi en termes psychanalytiques (pour Jung, la persona Jupiter/Saturne), celui qui mettra les barrières entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Uranus vient bousculer Saturne, notre sens des limites, le confort de nos habitudes, les traditions, notre histoire. Il apportera du nouveau.
Dans un thème Uranus représentera cette force d’individuation, cette force qui dit : « Oui, mais tu pourrais être plus que ce que tu es aujourd’hui et t’ouvrir en toi à quelque chose de plus grand que toi ». Il est lié à l’éclair, donc il foudroie (fou droit), il redresse et donne la clarté, la lumière de la conscience. Uranus est Prométhée, il a apporté aux hommes le feu de la connaissance et la lumière de la conscience. Uranus dans le thème dira par la Maison, le champ d’expérience dans lequel on pourra être en renouvellement permanent et le signe, la qualité de l’énergie qui sera bousculée dans notre vie. Jung a Uranus en Lion et en maison VII. Uranus en Lion est l’auto-contentement, le sentiment d’avoir réussi quelque chose, qui sans cesse se remet en question jusqu’à devenir translucide à la présence du Soi. En maison VII, Jung a beaucoup insisté sur la confrontation à l’autre pour découvrir son ombre et se transformer.
Pour lui, le moi ne peut se renouveler que lorsqu’il est confronté à la relation aux autres. Dans sa biographie, il a demandé à sa femme et à sa maîtresse de vivre ensemble pour travailler la question de la jalousie. Donc, pour Jung, le lieu de la transformation du moi c’est la relation : Uranus en Lion et en maison VII.
A. : Quels étaient les mythes fondateurs dominants chez Jung ?
L.B. : Il y en avait deux, le mythe de Narcisse et le mythe de Faust.
Narcisse est donné par sa dominante du Soleil en Lion et la Lune importante, conjointe à Neptune et Pluton, la plus rapide de l’amas.
Le mythe de Faust est donné par l’importance de Mercure et carré Soleil/Pluton. On peut rajouter le carré Saturne/Pluton déjà cité.
Le mythe de Narcisse raconte que lorsque Liriopé, la mère de Narcisse va voir le voyant aveugle Tirésias et lui pose la question : « Est-ce que mon fils vivra longtemps ? », celui-ci répondra : « il vivra longtemps, s’il ne se connaît pas ». C’est intéressant, car il mourra à 16 ans, ce qui veut dire qu’il s’est connu. C’est un mythe de connaissance de soi, finalement, pas par le mental mais par l’expérience intérieure, ce que fait Jung toute sa vie.
Et puis, il a rencontré Faust, les forces des ténèbres, les forces du mal. Il a eu des tentatives suicidaires et a eu de fortes dépressions. Lorsqu’il est descendu dans ses propres ténèbres, il a frôlé la folie et ceci est une thématique faustienne.
En descendant au fond de lui-même (Narcisse), il rencontre celui qu’il appelle Abraxas, la puissance de Vie qui est au-delà de toutes les vies et au-delà de toutes les morts (ce qui correspond à Pluton).
L.B. : Uranus est l’archétype qui concerne le grand message de la liberté et du sens de l’humour. Parce que cela est la capacité de la conscience de se détacher de ce à quoi elle est attachée. La conscience se colle à tout ce qu’elle touche et après dit : « Ceci est la vérité ». Le processus d’individuation consiste à développer des techniques, cela peut être la méditation, le travail sur le rêve éveillé comme l’a fait Jung, pour parvenir à voir. Voir les contenus de l’inconscient, les laisser émerger, nourrir le conscient, élargir la conscience du conscient. L’inconscient n’étant pas inconscient mais un champ psychique dont nous n’avons pas conscience mais qui a, lui, une forme de conscience. Sinon les rêves ne seraient pas si intelligents, parfois ils sont plus intelligents que nous.
Donc, Uranus est juste après Saturne dans l’ordre astronomique. Saturne c’est le sur-moi en termes psychanalytiques (pour Jung, la persona Jupiter/Saturne), celui qui mettra les barrières entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Uranus vient bousculer Saturne, notre sens des limites, le confort de nos habitudes, les traditions, notre histoire. Il apportera du nouveau.
Dans un thème Uranus représentera cette force d’individuation, cette force qui dit : « Oui, mais tu pourrais être plus que ce que tu es aujourd’hui et t’ouvrir en toi à quelque chose de plus grand que toi ». Il est lié à l’éclair, donc il foudroie (fou droit), il redresse et donne la clarté, la lumière de la conscience. Uranus est Prométhée, il a apporté aux hommes le feu de la connaissance et la lumière de la conscience. Uranus dans le thème dira par la Maison, le champ d’expérience dans lequel on pourra être en renouvellement permanent et le signe, la qualité de l’énergie qui sera bousculée dans notre vie. Jung a Uranus en Lion et en maison VII. Uranus en Lion est l’auto-contentement, le sentiment d’avoir réussi quelque chose, qui sans cesse se remet en question jusqu’à devenir translucide à la présence du Soi. En maison VII, Jung a beaucoup insisté sur la confrontation à l’autre pour découvrir son ombre et se transformer.
Pour lui, le moi ne peut se renouveler que lorsqu’il est confronté à la relation aux autres. Dans sa biographie, il a demandé à sa femme et à sa maîtresse de vivre ensemble pour travailler la question de la jalousie. Donc, pour Jung, le lieu de la transformation du moi c’est la relation : Uranus en Lion et en maison VII.
Jung a juste vécu son thème et chacun doit vivre le sien, donc si on descend au fond de soi peut-être on rencontrera d’autres réalités. En tout cas, on se rencontre soi-même et ce soi-même est symbolisé par le thème astrologique de la naissance.
A. : Que peut-on expliquer sur les axes d’interprétation du thème sans être trop technique ?
L.B. : Jung est ascendant Capricorne, et bien qu’il y ait une controverse là-dessus, j’ai pris l’heure de naissance que donne Jung de lui-même. En plus, il est très marqué par le Capricorne, comme le montrent les constructions qu’il fait à Bollingen (7) et aussi les traits de son visage et son tempérament.
Pour faire cette plongée dans l’inconscient, il faut la persévérance et la structure du Capricorne et on la constate aussi dans son immense capacité de travail.
Pour les axes du thème, il y a le carré Saturne/Pluton qui se traduit dans le mythe de Faust qu’on a évoqué tout à l’heure. Il y a la conjonction Soleil/Uranus en Lion qui met l’accent sur le processus d’individuation et l’intérêt que Jung a mis sur la réalisation du Soi et la vérité du moi.
Sa conjonction Mercure/Venus sur le descendant fait qu’il utilise l’art, Venus, et la pensée, Mercure, pour faire ce travail de transformation intérieure, la maison VI étant le champ de la transformation intérieure.
Et puis, il y a la Lune Noire en Sagittaire, ce qui peut amener à s’identifier à un personnage mythologique, comme ce fut le cas de Napoléon avec Alexandre le Grand et chercher à conquérir de grands territoires, soit à être fasciné par la mythologie, comme c’est le cas de Fellini (7). La Licorne donne la tonalité de l’âme de la personne, et donc Jung avait cette fascination pour la mythologie. Cela fait un Priape en Gémeaux ce qui donne la capacité de relier des champs d’information très différents dans le but d’explorer les mythes et la question du sens.
A. : On constate aussi des dates clés de sa vie marquées par certains transits astrologiques et on peut notamment souligner le rôle d’Uranus dans les transformations de la vie de Jung.
L.B. : À chaque fois qu’Uranus passe par transit sur une planète ou un lieu important du thème natal, il va le réveiller, le mettre en lumière. C’est le moment où par un évènement soudain, un rêve ou autre, une partie de son inconscient refait surface. Uranus est cette opportunité de la vie, quand elle touche une planète par transit de la révéler, de la réveiller, de nous mettre en contact avec les racines pour les faire resurgir dans le conscient. C’est le processus d’individuation. On peut suivre dans le thème de Jung comment les grandes étapes de transformation se mettent en place.
Quand il a 12 ans, la planète est conjointe au nœud Sud en VIII. Sur le neuvième degré de la Balance, elle stimule par aspects les deux luminaires conjoints aux planètes transpersonnelles : Neptune pour la Lune et Uranus pour le Soleil. Pour la première fois une vision (Neptune) guidée par l’anima (8) (Lune) ouvre une porte (Uranus) qui va laisser filtrer la présence du Soi (Soleil).
À ses 38 ans et demi, Uranus en transit s’oppose au Soleil : c’est le moment où cette porte est choisie d’être ouverte à grands battants, le début de la plongée de Jung dans l’inconscient.
Quand Jung a 68 ans et demi, Uranus s’oppose aux deux Lunes noires. Dans le coma, il voit et expérimente son essence, la parcelle de l’Absolu qui est au fond de lui-même.
Enfin, quand il a 86 ans, Uranus en transit s’oppose à Saturne, le maître de l’Ascendant. Le fil de vie se rompt et il entre définitivement dans le monde du Mystère.
A. : On sait qu’il décède le 6 juin 1961 et un certain nombre de phénomènes se produisent à ce moment-là, comme le peuplier foudroyé dans son jardin.
L.B. : En fait, il avait l’habitude d’aller s’asseoir pour méditer ou pour réfléchir sous un vieux peuplier et juste après sa mort, comme il était en contact avec l’inconscient collectif, des phénomènes se sont produits, notamment ce grand peuplier a été foudroyé. Symboliquement, le peuplier est un des arbres du monde souterrain ; dans la langue des oiseaux c’est peut plier, c’est la dernière fois où il a plié et il s’est retiré de ce monde.
Jung a eu beaucoup d’expériences parapsychologiques dans sa vie. À une occasion, il était allé dans un monastère et il a vu des peintures exceptionnelles, et comme il n’avait pas pris des photos, il écrit pour demander des cartes de ces peintures et le gardien lui dit, mais non, il n’y a aucune peinture dans ses murs. Il avait vu des choses qui sont dans le monde imaginal, monde qui recouvre le monde physique. Il a la capacité de passer du monde réel au monde du rêve et vice-versa, comprenant que les deux sont une réalité du monde.
Une autre fois, il discute avec Freud, en 1912 ou 1913, avant leur rupture, et à un moment, il ressent une grande douleur au plexus solaire et entend un grand craquement. Il ouvre un tiroir et on trouve un couteau cassé en deux. Freud n’en a jamais parlé. On voit la puissance de Pluton, la puissance vitale qui est capable d’agir sur le monde extérieur quand on est en relation avec son monde intérieur (la douleur dans le plexus). Jung avait cette capacité d’entrer en contact avec les grandes images de l’inconscient collectif, favorisé par la conjonction Lune/Neptune. Comme Jung était en contact avec l’inconscient collectif, et comme il a vécu ce processus d’individuation, il a ouvert une porte qui l’a mis en contact avec les puissances et les grandes images du monde imaginal.
Donc, lorsqu’il est mort, le monde réel a répondu à cette disparition, comme s’il y avait quelque chose à rééquilibrer d’une certaine manière.
A. : Pour notre époque actuelle, quels enseignements peut-on tirer de l’œuvre de C. G. Jung ?
L.B. : On peut en tirer beaucoup. Le travail jungien est essentiel parce qu’on voit que collectivement les sociétés et les nations sont de plus en plus sous l’emprise des puissances de l’ombre, en réalité. En ce moment, à cause de l’épidémie il y a une ambiance détestable, où chacun a peur de l’autre, il y a de la délation et une méfiance chronique.
Comme nous n’avons pas travaillé notre ombre, elle se projette hors de nous et nous crée des interdits et des contraintes.
C’est aussi utile sur le plan de la géopolitique parce que si les nations arrivaient à travailler leurs propres ombres, comme pour l’Europe travailler l’histoire des Croisades, les deux guerres mondiales, les tortures en Algérie pour la France, c’est-à-dire, travailler les zones de souffrance que l’on a du mal à travailler et reconnaître comme réelles, cela permettrait de faciliter les relations internationales. Si on reconnaissait les difficultés de la Pologne dans la Seconde Guerre mondiale, par exemple ou si la Turquie reconnaissait le génocide arménien ou Israël la Palestine et réciproquement, tout cela permettrait d’apaiser les relations internationales et éviter de s’envoyer des missiles sur la tête, qui n’est jamais que la signature de notre incapacité de nous confronter à nos propres violences, notre propre histoire et à toutes ses ombres qui nous prennent de l’énergie.
Nous vivons dans un monde de plus en plus dévitalisé, où il n’y a plus de grands combats, mais des personnes qui s’indignent. Il n’y a plus de grandes conquêtes, plus de combat héroïque, plus de puissance. La puissance est technologique ou militaire mais elle n’est plus dans le cœur des êtres humains.
Jung nous apporte dans ce sens un message exceptionnel, qu’il est possible de descendre dans cette ombre, de la transformer, de retourner pour trouver cette puissance et de s’individualiser, donc retrouver la totalité de la nature humaine à travers une vie individuelle, une vie personnelle.
On peut réfléchir à Jung sur le plan individuel mais aussi sur le plan collectif.