Histoire

Sur le bout de la langue

Notre langue garde dans ses expressions des traces d’événements ou de mythes très anciens. En voici quelques-unes que nous devons aux anciens Grecs et Romains.

Être  narcissique

Quand Narcissse naquit, le vieux devin aveugle, Tirésias, prédit qu’il vivrait vieux à condition qu’il ne se regarde pas. Les années passèrent. Narcisse était un beau jeune homme dont toutes les filles tombaient amoureuses. Insensible, il y restait indifférent. L’une d’elles, la nymphe Écho, alla crier son désespoir dans les montagnes où l’on entend encore aujourd’hui sa voix. Les jeunes filles méprisées demandèrent vengeance au ciel. Un jour de grande chaleur, alors qu’il rentrait de la chasse, il se pencha sur une source pour se désaltérer. Il aperçut alors dans l’eau son reflet. Fasciné par la beauté d’un visage qu’il découvrait pour la première fois, Narcisse tomba instantanément amoureux de lui-même. Irrésistiblement, il se pencha jusqu’à tomber dans l’eau où il se noya. À l’endroit où il mourut poussa une fleur à laquelle on donna le nom de narcisse.
On dit de quelqu’un qui se complaît en lui-même qu’il est narcissique.

 

Les céréales

Saviez-vous que les céréales tiennent leur nom de Cérès, la déesse des moissons et de la fertilité chez les Romains, qu’ils assimilèrent à Déméter, déesse grecque de la terre cultivée.

Un travail de Pénélope

Ulysse, roi d’Ithaque, parti à la guerre de Troyes avec les autres Grecs, tardait à revenir. On pressa Pénélope, sa femme, restée seule maîtresse de ses biens, de se remarier. Mais la fidèle Pénélope refusait de croire à la mort de son époux. Pour faire patienter les prétendants, elle annonça qu’elle choisirait parmi eux lorsqu’elle aurait fini de tisser le linceul du père d’Ulysse, Laerte. Mais, chaque nuit, à la lumière des torches, elle défaisait le travail de la journée. C’est pourquoi on dit qu’un travail qui n’en finit pas est un vrai travail de Pénélope.

La monnaie

Sur le Capitole, une des sept collines sur lesquelles Rome était bâtie, les Romains avaient construit un temple à la déesse Junon. Là, vivaient des oies qui lui étaient consacrées.
En l’an de grâce 190 av. J.-C., les Gaulois assiégeaient Rome. Ils lançaient un assaut surprise, sous le couvert de la nuit, quand les oies, réveillées, firent un tel tapage qu’elles éveillèrent à leur tour les Romains qui repoussèrent les Gaulois. On attribua à Junon le mérite d’avoir donné l’alerte. Et on appela désormais la déesse vénérée dans le temple Juno moneta, autrement dit Junon « qui avertit ». On abrégea son nom en Moneta. Plus tard, on adjoignit au temple un atelier de frappe de pièces. Puis ce mot en vint à désigner aussi les pièces qu’on y fabriquait. Et c’est ainsi qu’est née notre monnaie. Et que l’histoire des oies du Capitole se perpétue dans toutes les langues où s’est transmis le mot moneta : l’anglais money, l’espagnol moneda, l’italien moneta, le portugais, moeda, le polonais monyeta, etc.

L’argent n’a pas d’odeur

À Rome, au Ier siècle après J.-C., l’empereur Vespasien eut l’idée, pour renflouer les caisses de l’État, de lever un impôt sur l’urine qui servait, dit-on, à dégraisser les vêtements.
Lorsque son fils, le futur empereur Titus, le lui reprocha, il lui mit sous le nez l’argent rapporté par le nouvel impôt et lui demanda s’il était choqué par l’odeur. D’où l’expression : l’argent n’a pas d’odeur.
Saviez-vous que le même empereur a donné son nom aux urinoirs publics qu’on appelle aussi vespasiennes ?

Chapelle

Au IVe siècle, par un jour d’hiver glacial, un jeune soldat traversait la ville d’Amiens. Originaire de Hongrie, il combattait dans les rangs de l’armée romaine, alors sous les ordres de Julien qui, plus tard, à Lutèce, serait proclamé empereur par ses troupes. Un pauvre homme transi lui demanda l’aumône. Il prit alors son glaive, coupa en deux la cape qui lui servait de manteau et couvrit le malheureux d’une des moitiés.
Ce jeune soldat, converti au christianisme, quitta ensuite l’armée, se consacra à l’évangélisation de la Gaule, devint évêque de Tours et fut vénéré dans tout l’Occident sous le nom de saint Martin. Quant à sa cape ou chapelle, selon l’appellation en cours à l’époque, elle devint une relique célèbre. La chapelle désigna ensuite l’ensemble des reliques royales dont elle faisait partie, puis l’oratoire où elles étaient conservées, avant de prendre le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. C’est ainsi que, chaque fois que nous utilisons le mot chapelle, nous évoquons le manteau de saint Martin.
La fête de saint Martin, devenu évêque de Tours, célébrée le 11 novembre, était associée à de nombreux pèlerinages. Le redoux, fréquent fin octobre ou début novembre, qu’on appelle aujourd’hui l’été indien selon l’expression venue d’Amérique, était autrefois en France appelé l’été de la saint-Martin.

par Marie-Françoise TOURET
Formatrice de Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole

 

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